
Un projet éolien dans le Gard
Médiation dans un contexte conflictuel
Sur le territoire de la communauté d’agglomération du Grand Alès, dans le Gard, une entreprise de développement éolien a identifié une zone favorable à l’installation d’un parc de 5 éoliennes dans la commune de Mons (environ 1500 habitants). L’étape préalable consistant en la définition d’un périmètre d’implantation du futur site (Zone de Développement Eolien, ou ZDE) et la loi obligeant à l’organisation d’une concertation avant la mise en place de cette ZDE, des débats ont été organisés. A la demande de l’entreprise, ceux-ci se sont tenus avec l’appui de médiateurs extérieurs de la Scop DialTer.
Les étapes préalables
Une étape préalable à la concertation a consisté en entretiens bilatéraux des médiateurs avec les acteurs locaux et en particulier avec :
– L’entreprise à l’origine du projet, afin de s’assurer des marges de manœuvre, du calendrier disponible, du respect de la neutralité des médiateurs et du dispositif de dialogue qui allait être mis en place ;
– La municipalité et la communauté d’agglomération qui n’avaient pas pris position officiellement par rapport au projet ;
– Deux associations locales d’opposants aux éoliennes, sur la commune de Mons et sur la commune voisine, afin de mesurer leur intérêt par rapport au processus de concertation, leur souhait de s’y impliquer et les conditions préalables qu’elles formuleraient pour y participer.
Ces contacts ont été indispensables pour conforter la légitimité des médiateurs qui apparaissaient, en particulier aux yeux des opposants au projet, comme trop proche de l’entreprise car proposés et rétribués par elle. Les opposants ont notamment demandé des garanties que leurs arguments soient entendus au même titre que ceux de l’entreprise. Ils ont aussi demandés des garanties quant à la neutralité des médiateurs vis-à-vis du commanditaire, ce qui a poussé ces derniers à rédiger et signer avec le commanditaire un cahier des charges mentionnant le respect de la neutralité des médiateurs, la transparence du processus et la libre circulation des informations. Ces entretiens préalables ont été complexes et se sont étalés sur plusieurs semaines. Finalement, toutes les parties prenantes ont donné leur accord sur l’organisation d’une concertation, sur le choix des médiateurs et sur les modalités de dialogue.
L’objectif
Dans un tel contexte, l’objectif n’était pas de recueillir les avis du plus grand nombre possible d’habitants ni de parvenir à un accord entre promoteurs et opposants au projet, mais de permettre au Conseil municipal, qui n’avait pas d’avis tranché sur la question, de prendre une position sur ce sujet à l’issue d’un échange le plus serein possible sur ce sujet très controversé.
Le processus
La première étape a consisté en une réunion publique dans une salle municipale, qui a réuni plus d’une centaine de personnes et qui a été assez houleuse. Les opposants avaient demandé à être assis à la tribune aux côtés de l’entreprise et à disposer du même temps de parole, ce qui leur avait été accordé. A la fin de cette réunion, les médiateurs ont distribué aux participants des papiers sur lesquels ceux qui souhaitaient poursuivre les échanges étaient invités à laisser leurs coordonnées.
Un groupe de concertation a alors été constitué. Il comprenait une trentaine de personnes dont une vingtaine a participé régulièrement :
– l’entreprise porteuse du projet (2 personnes)
– le Conseil municipal (le plus souvent le maire accompagné d’un ou deux conseillers)
– les opposants au projet (un à trois représentants de chacune des deux associations)
– les habitants qui avaient manifesté leur intérêt lors de la réunion publique et qui se partageaient entre personnes favorables au projet, réticentes et sans opinion.
La première réunion a consisté à définir des règles du dialogue (notamment respect des personnes et transparence de l’information) et à identifier les points de désaccord évoqués lors de la réunion publique. Sur cette base ont été définis trois thèmes : les dimensions économiques du projet (coût, retombées pour les propriétaires et pour la commune…) ; les impacts (paysage, bruit, biodiversité…), la diffusion de l’information et les conséquences du conflit sur les relations entre les habitants.
Une réunion a été organisée sur chacun de ces thèmes. Tous les participants ont été invités à communiquer des éléments écrits avant la réunion (notes, études, coupures de presse, etc.). Ces documents ont permis de constituer des dossiers qui ont été mis en ligne sur une page internet dédiée et qui ont été apportés lors des réunions. Les échanges se sont ensuite déroulés autour de ces documents en essayant d’identifier les intérêts et les craintes suscités par le projet, puis de dégager les points d’accord et de désaccord.
Chaque compte-rendu de réunion a été initialement rédigé par les médiateurs, retravaillé par un groupe restreint représentant les différentes sensibilités et finalement validé ou amendé par les participants.
Finalement, un document de synthèse, faisant état des points d’accord et de désaccord des participants au groupe de concertation a été rédigé par les médiateurs et validé par tous. Enfin, ce document a été présenté lors d’une réunion publique ouverte à tous les habitants du village.
Les effets
Globalement, la concertation s’est bien passée, malgré un contexte très conflictuel et même si, lors des échanges, les points de désaccord ont été plus nombreux que les points d’accord. Le processus a seulement été perturbé à un moment par une des associations (distribution de tracts critiquant le processus de concertation et la neutralité des médiateurs) par crainte que le bon déroulement de la concertation ne soit utilisé par l’entreprise comme un argument pour faire valoir la qualité du projet lors de l’enquête publique ultérieure ou auprès des autorités préfectorales.
Lors des élections municipales de 2014, soit 3 ans après la fin de la concertation, le maire de Mons qui briguait un renouvellement de son mandat s’est publiquement prononcé contre le projet éolien en se référant explicitement aux résultats de la concertation menée sur ce sujet. Le projet a été abandonné. La même année, un autre projet éolien a également été abandonné dans la commune voisine des Plans, suite à un référendum.
Cette expérience montre que des tiers extérieurs peuvent utilement contribuer à l’organisation et à l’animation de processus de dialogue, en particulier dans des contextes conflictuels. Cependant, leur légitimité n’est pas acquise dès le départ, notamment du fait des conditions de nomination et de rétribution. Elle doit être construite par leur impartialité lors du processus de dialogue.