
Seulles tous ensemble
Une concertation sur les actions à partager dans un territoire de basse vallée
Contexte territorial
La partie aval de la vallée de la Seulles est un territoire encore préservé, avec une agriculture raisonnée, une biodiversité remarquable et un riche patrimoine bâti. Le Conservatoire d’espaces naturels de Normandie s’y implique dès 1997 et il y préserve aujourd’hui 63 hectares en partenariat avec 6 propriétaires privés et une commune.
Origine du projet
Après plus de 15 années de gestion de sites sur le territoire de cette basse vallée, la méconnaissance de son intérêt chez les habitants restait importante. De plus, un grand nombre d’acteurs y menaient des actions sans se concerter : le Conservatoire bien sûr mais aussi le syndicat de rivière, le conseil département (à travers sa politique d’Espaces naturels sensibles), la fédération de pêche, des communes qui souhaitaient ouvrir des espaces au public… Il semblait intéressant d’envisager un lieu où les actions puissent être réfléchies ensemble, des synergies développées, de la sensibilisation au-delà des seuls sites préservés… Cette idée a débouché sur un projet complet avec l’implication de près de 80 partenaires et acteurs locaux : « Seulles tous ensemble », qui s’est structuré autour de 3 étapes de travail entre 2014 et 2018 :
- Animer la vallée pour mieux la faire connaître à ses habitants : 32 évènements grand public et 24 animations scolaires en 2015 – 2016.
- Améliorer les connaissances pour comprendre les grands enjeux du territoire: diagnostics du patrimoine naturel, du patrimoine bâti, des usages et des perceptions locales en 2015 – 2016.
- Réfléchir collégialement au devenir de la basse vallée de la Seulles: co-construction du volet opérationnel du plan de préservation et de valorisation à partir des enjeux identifiés, avec les acteurs de la vallée en 2017-2018. C’est cette dernière étape qui constitue la concertation à proprement parler.
Les étapes de la concertation
Si les deux premières phases du projet « Seules tous ensemble » ont été menées par le Conservatoire principalement, l’engagement dans une démarche de concertation a nécessité la constitution d’instances plus largement partagées avec les acteurs du territoire. Le premier travail a été de réunir un comité de pilotage avec les collectivités concernées : communautés de communes, syndicat de rivière, conseil départemental, syndicat mixte animateur du Schéma de Cohérence Territoriale, Agence de l’Eau… et de déterminer les personnes associées dans le cadre de l’instance d’information : envoi des invitations aux réunions publiques aux 200 propriétaires fonciers et à une centaine d’acteurs du territoire : communes ; associations culturelles, environnementales, d’éducation à l’environnement ; partenaires tels que les chambres d’agricultures ou les Conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement ; représentants d’usagers : fédérations de pêche et de chasse, sociétés de pêche et de chasse…
Quarante acteurs locaux, représentant la diversité des acteurs du territoire, ont été auditionnés lors d’enquêtes préalables afin de recueillir un panel d’attentes et de ressentis et de repérer les problématiques qui les préoccupaient. Deux groupes de travail ont vu le jour à l’issue de ces enquêtes :
- « Valorisation de la vallée », une préoccupation nettement ressortie, notamment chez les élus et associations environnementales
- « Préserver la vallée en lien avec les usages », une thématique davantage portée par des acteurs comme le conservatoire (à la fois animateur de la démarche et partie prenante associée au travail) et des financeurs comme l’Agence de l’Eau.
Chacun des deux groupes s’est réuni trois fois :
- La première séance permettait de partager et de réagir au diagnostic issu des entretiens et de l’étude écologique menée par le conservatoire. Des panneaux proposant un constat, quelques chiffres et deux phrases clés, étaient les amorces pour des discussions autour des atouts et faiblesses du territoire.
- La deuxième séance a permis, à partir du repérage des atouts et faiblesses, de formuler des propositions d’actions.
- La troisième séance était consacrée à la hiérarchisation des actions et à leur approfondissement. Chaque proposition, affichée au mur, faisait l’objet d’une discussion en petit groupe qui devait ensuite se positionner et argumenter si besoin selon les trois propositions : d’accord / indifférent / pas d’accord. Des fiches actions étaient ensuite rédigées et des opérateurs identifiés pour chacune.
A l’issue de ce travail, le conservatoire a consulté les opérateurs repérés afin de vérifier avec eux la possibilité de portage des actions. Ces actions ont ensuite été présentées au Comité de pilotage pour être validées et hiérarchisées. Aucune action n’a été écartée et le travail a abouti à l’élaboration d’un plan de préservation et de mise en valeur comprenant 60 actions, présenté en réunion publique.
Le travail continue en 2019 avec la structuration du réseau d’opérateurs : réunion pour bâtir un projet budgétaire commun à présenter aux collectivités. La communauté de communes principale du territoire a embauché une personne pour travailler à partir des préconisations de la concertation, sur un projet de valorisation du territoire. Des projets concrets ont aussi d’ores et déjà vu le jour : fête de la Seulles avec une association culturelle, chantiers nature sur des problématiques du syndicat de rivière, rencontres d’agriculteurs pour la préservation des zones humides avec la Chambre d’Agriculture, journée de sensibilisation à la problématique espèces exotiques envahissantes aquatiques à destination des élus et des usagers.
Éléments de conclusion
- La préservation de la vallée était un thème de travail trop large et, de ce fait, peu porté par les acteurs (cela s’est ressenti par la baisse de fréquentation du groupe de travail au fil des réunions). Il a demandé des ajustements dans la démarche. Ainsi, parmi les 7 thématiques ressorties à l’issue de la première séance de travail, l’animatrice du groupe a proposé à celui-ci d’en retenir 2 pour le travail d’élaboration collective de pistes d’actions. Pour les cinq autres thèmes, l’animatrice leur proposait une liste d’actions en s’appuyant sur la synthèse des échanges préalables qui avaient eu lieu sur ces questions, laquelle était soumise ensuite à leur validation.
Au sein de ce groupe, l’existence d’un passif entre les acteurs en présence a créé des situations de tension. Il peut arriver que certains investissent l’espace de concertation pour y régler des questions sur lesquelles le Conservatoire n’avait pas la légitimité d’intervenir. Cela a été le cas avec des chasseurs venus dans les groupes de travail pour obtenir la garantie du maintien de la chasse au gibier d’eau dans la vallée et dénoncer le rachat de gabions par le Conseil Départemental y interdisant la chasse. Le périmètre des questions abordées lors de la concertation excluait tout aspect réglementaire pour se centrer sur les actions à bâtir à plusieurs pour la préservation de la vallée en respectant les usagers. Malgré le rappel du cadre il était difficile pour certain de construire sans avoir obtenu au préalable de réponses claires sur les problématiques qu’ils souhaitaient résoudre. D’autres ont investi le périmètre proposé par la concertation et accepté de contribuer à la réflexion sur des préconisations d’entretien favorables au gibier d’eau, même sur les zones interdites à la chasse.
- Pour le conservatoire il y a nettement un avant et un après concertation dans la qualité des relations avec les collectivités locales. Les techniciens et les élus se sont impliqués de façon importante aux côtés des associations dans le groupe de travail portant sur le thème de la valorisation. C’est clairement de ces temps de travail que découlent l’embauche d’une salariée pour mettre en œuvre certaines actions du plan. La menée de cette concertation a positionné le Conservatoire comme un acteur ancré sur ce territoire et les relations de confiance développées permettent aujourd’hui d’envisager de nouveaux projets autour de la biodiversité en lien avec ces collectivités (signature d’une convention de partenariat). Celles-ci l’identifient aussi comme un référent dans le domaine environnemental, renvoyant vers lui par exemple un centre de voile qui veut développer une activité de kayak sur ce territoire pour être conseillé sur la prise en compte de l’environnement.
Personne contact : Camille Hélie – Chargée de mission espaces naturels – Bessin Côte de Nacre – Pilote de dispositifs participatifs
Crédit photo : François Nimal