
Réaménagement du quartier de Champfleuri
A Bourgoin-Jallieu, de la mobilisation à la participation des habitants
En 2003, la municipalité de Bourgoin-Jallieu engage un projet de réaménagement urbain du quartier de Champfleuri, qui compte environ 5000 habitants. Elle confie à l’association Robins des Villes la mise en place d’un processus de concertation avec les habitants et l’association Auxilia pour un diagnostic du quartier suivant des principes de développement durable.
Les étapes
Cette concertation s’est déroulée de janvier 2004 à mars 2005. Quatre étapes ont été définies par l’association Robins des Villes.
1. Phase de déambulations (3 mois). C’est une phase d’immersion de l’association dans le quartier, d’études et de rencontres avec les habitants. Elle a permis d’identifier les relais d’opinion. de faire connaître l’association et de préparer les habitants à la phase suivante. Cette phase a notamment permis d’identifier un relais d’opinion important sur le quartier et qui deviendra un interlocuteur privilégié de l’association : l’équipe de rédaction du journal de quartier « Le Champflo », connu de tous les habitants et lu par la plupart d’entre eux. Cette phase a donné lieu à une synthèse cartographique appelée « fleur des acteurs », présentée aux institutionnels et validée par les habitants lors d’une première rencontre qui est venue clore cette première phase : la « journée habitante ».
2. Phase utopique (3 mois). Au cours de cette phase, les habitants sont invités à prendre une part active en expliquant leurs usages du quartier ainsi qu’en formulant leurs souhaits sur son avenir. Cette phase a consisté en l’organisation d’ateliers dirigés vers divers publics : les enfants, les femmes, les personnes d’origine étrangère et les adultes en général. Le travail de synthèse est réalisé sous forme de cartes : -une carte des usages, qui indique les cheminements et les lieux vécus comme fermés ou accessibles par les habitants ; -une carte des représentations, qui signale les lieux vécus positivement ou négativement ; -une carte des « lieux d’envie » qui synthétise les deux précédentes et identifie les lieux les plus propices à des aménagements urbains. Cette phase s’est terminée, comme la première, par une journée habitante.
3. Phase de (re)mobilisation (3 mois). La troisième phase marque le passage à une concertation opérationnelle dont l’objectif est de mettre les habitants en capacité de proposer des principes d’aménagement du lieu à traiter en priorité. Elle correspond aussi à la relance du processus participatif après une trêve estivale de trois mois et permet la validation politique du passage des habitants en tant que force de propositions sur l’un des micro-espaces repérés. Le choix est porté sur la rénovation d’une place et annoncé par le maire au cours d’une réunion publique.
4. Phase de propositions (3 mois). Pour passer aux propositions, quatre groupes ont été constitués au cours de séances successives de discussions : un groupe de « personnes connues », c’est-à-dire des participants les plus actifs au cours des phases antérieures ; un groupe « structures » réunissant des travailleurs sociaux, associations et élus de secteur ; un groupe de jeunes du quartier ; un groupe de nouveaux habitants, la plupart d’origines étrangères. Constituer des groupes de taille réduite et composés de « pairs » a pour objectif de faciliter l’expression des membres. Les groupes de travail se réunissent d’abord séparément puis confrontent leurs propositions. Une vue de la place est dessinée après intégration des propositions des groupes, recueillies grâce à une maquette qui a servi de support. L’architecte chargé de la rénovation de la place participe à cette dernière réunion pour discuter avec les participants de la faisabilité de leurs propositions. Lors d’une dernière réunion, le maire et l’architecte présentent le projet retenu et expliquent les choix effectués.
Quelques enseignements
Pourquoi engager un processus de concertation ? Pourquoi se lancer dans une dynamique longue et coûteuse, susceptible de générer des frustrations parmi la population ? Plusieurs réponses sont apportées par les acteurs du projet :
La conviction politique. Pour Armand Bonnamy, élu de Bourgoin-Jallieu, la démocratie participative relève avant tout d’une conviction politique. Promoteur des Conseils consultatifs de quartier, il estime que les élus se doivent de pratiquer un dialogue régulier avec les habitants. « En revanche, quand les gens refusent de participer parce qu’ils se dévalorisent, parce qu’ils pensent ne pas avoir accès aux instances démocratiques, c’est un problème ».
La légitimité de la décision. Pour les services techniques de la municipalité, le dialogue améliore l’acceptabilité de la décision publique, même si la concertation passe parfois par l’affrontement de logiques et devisions divergentes.
La justesse de l’idée. Un élu défend cette position avec force : « Les gens qui vivent dans les quartiers savent mieux que nous ce qu’il faut y faire ». Les habitants experts ? « Ce ne sont pas des urbanistes, mais ce sont effectivement des experts de leur cadre de vie ».
Le lien social. Plusieurs personnes estiment que l’un des « effets collatéraux » de la concertation réside dans la création de lien social. « Les gens ont appris à se connaître et à se respecter. Tout cela participe à l’émergence d’une conscience de territoire, au renforcement de l’identité de quartier ».