
Implication agricole dans le dialogue local
Les représentants agricoles de la Dombes se retrouvent pour faire le point sur leur implication dans les procédures et projets de territoire
Le monde agricole est à la croisée de nombreuses procédures et démarches de développement local. La multiplication de ces actions désoriente les agriculteurs. Ils finissent par se sentir perdus, voire agressés par ceux qui les mettent en place. Des incompréhensions se développent alors et le dialogue entre acteurs se « grippe », d’autant que les occasions de se retrouver entre pairs pour faire le point sont rares.
Profitant du lancement de sa nouvelle mandature, la Chambre d’Agriculture de l’Ain (CA01) a mis en place un cadre permettant de revenir sur les dossiers du territoire et de les reprendre de manière dépassionnée pour démêler les conflits et ouvrir des pistes de dialogue
Les éléments déclencheurs
Le lancement de la nouvelle mandature
Un des objectifs forts de la nouvelle mandature de la Chambre d’Agriculture de l’Ain était de se replacer au cœur des projets locaux. Pour cela, l’approche institutionnelle et ses outils d’intervention ont été repensés. Des « Comités d’Animation et de Projets » ou CAP, ont été mis en place sur des territoires engagés dans des Contrats de Développement Rhône Alpes (équivalent des « Pays » – Loi Voynet).
Ces comités ont deux missions principales :
1)faire émerger et accompagner les projets de développement local ;
2)favoriser la mise en œuvre de procédures territoriales au profit de l’agriculture (proposition, concertation).
Ces groupes d’échange et dialogue ont une organisation très souple et se réunissent en fonction de l’avancée des besoins locaux.
De nombreuses sollicitations d’acteurs publics sur le territoire
Le lancement des Comités a été l’occasion de faire le point sur l’engagement des professionnels dans de nombreuses démarches de développement territorial et de valorisation de produits. En effet, les sollicitations envers le monde agricole sont nombreuses et relèvent de dossiers complexes au passé fortement conflictuel. Il s’avérait donc indispensable de prendre un temps de pause avant de relancer l’action de l’institution et d’entrer dans une phase de dialogue avec les autres acteurs du territoire.
Les objectifs
– Dépassionner les débats autour des procédures et projets de développement territorial
– Faire le point sur les actions en cours et échanger entre pairs
Les étapes
L’action a été construite de manière à réaliser un bilan avant chaque échéance où les agriculteurs allaient être consultés sur une problématique du territoire :
Octobre 2007 : Faire le point sur Natura 2000 Dombes et son impact sur l’agriculture. Cet état des lieux a permis ensuite de construire des Mesures Agro-Environnementales (MAE) Territorialisées adaptées aux enjeux locaux.
Décembre 2007 : Etablir les grandes lignes d’un « Projet agricole de territoire » porté par la profession.
Cette base a permis d’apporter des éléments pour la construction du prochain CDRA (Contrat de Développement Rhône Alpes (équivalent des Pays loi Voynet)
Février 2008 : Faire le bilan sur les politiques de l’eau et les acteurs qui gravitent autour. Cette réunion a permis : de lancer une réflexion à l’échelle de bassins versants ; de renforcer la volonté de collaboration avec les Syndicats de Rivière.
Mars 2008 : Concertation entre différents acteurs de la filière avicole de la Dombes. Calage sur l’organisation opérée jusqu’ici pour valoriser les productions du territoire (Label Rouge) et réflexion pour optimiser ces collaborations.
Septembre 2008 : Faire le point d’étape sur le renforcement de l’implication de la Chambre d’Agriculture dans différentes procédures : Natura 2000, Syndicats de Rivière. Etablir un bilan de l’avancée de l’Indication Géographique Protégée (IGP) Carpe et Brochets de Dombes.
Comment le dialogue s’est engagé
Initiés par des élus volontaires de la Chambre d’Agriculture, les CAP ont été élargis aux responsables professionnels locaux, aux représentants de groupes de projets, aux responsables de filières etc. Leur composition est ouverte et évolutive en fonction des projets émergents sur le territoire. Le rôle de l’animateur a donc été de présenter les procédures de manière « neutre » sans le vécu et l’historique local. Cette présentation a servi ensuite de support pour un débat entre les acteurs qui avaient vécu la procédure de l’intérieur et ceux qui la découvraient lors de la réunion CAP. De nombreuses incompréhensions ont été levées, élargissant ainsi les marges de manœuvre pour relancer le dialogue
Les partenaires
La Chambre d’agriculture à l’origine de ce groupe de travail a mobilisé de nombreux acteurs agricoles du territoire pour participer aux réunions du CAP (et donc de DIALOG’) : FDCUMA, Association syndicale de drainage, Association agricole de valorisation de produits, Points de Vente Collectifs, Syndicat de propriétaires et exploitants d’étangs, GEDAF, entreprises de collecte de céréales, représentants syndicaux, etc.
Les résultats
Les représentants agricoles sont mieux à même de renforcer leur action sur le territoire
Exemple : Certains élus Chambre d’Agriculture ont évolué dans leurs positions vis-à-vis de certaines collectivités locales : « Je pense que l’on peut faire quelque chose avec les Syndicats de Rivière ». Ils ont mieux compris la finalité de leur action sur le terrain et ont compris l’intérêt d’augmenter leur présence dans ces structures afin d’orienter leur action vers des actions agricoles pragmatiques. Ainsi, après leur élection pour les municipales, ils ont décidé de renforcer leur implication au sein de plusieurs de ces Syndicats pour prendre la présidence de leurs commissions agricoles. Ces évolutions ont permis de rapprocher fortement l’institution de ces acteurs territoriaux.
Des dynamiques ont été relancées sur des thématiques jusque là mises de côté
Exemple : La procédure Natura 2000 était en dormance depuis plusieurs années sur la Dombes. En effet, le passé fortement conflictuel de cette procédure avait conduit à ralentir le lancement des actions identifiées dans le Document d’Objectifs. Avec l’arrivée des nouvelles MAE, les membres du CAP ont été sollicités pour réaliser des propositions quant à la constitution de MAE. Depuis, la Chambre d’Agriculture a renforcé son implication dans Natura 2000 Dombes en devenant opérateur du site.
Le processus en cours de « décrispation » a repris de l’ampleur
En reprenant chaque sujet de territoire l’un après l’autre, des sources d’incompréhension et de méfiance ont été levées. Ainsi, la lenteur de la procédure CDRA sur le territoire a été expliquée par de nombreux facteurs conjecturels atténuant ainsi la démobilisation sur le sujet. L’historique de la mise en place des Labels Rouge avicoles a permis de clarifier les relations entre acteurs de la filière. Le retour sur Natura 2000 a permis de mettre en évidence à certains les intérêts qu’ils pouvaient tirer d’une telle procédure : des éléments qu’ils n’avaient pas identifié au premier abord suite à la confusion issue du lancement de la procédure. Ils ont d’ailleurs parfois pris du recul sur les polémiques qui avaient éclatées à ce moment. D’une manière générale, les participants sont repartis des réunions en ayant eu le sentiment d’avoir appris quelque chose.
Au final, les réunions réalisées n’ont pas révolutionné la position des acteurs agricoles. Cependant, elles ont fait partie d’un processus de décrispation au long cours, débuté deux ans auparavant. Elles ont ainsi permis de faciliter une transition progressive vers plus de dialogue pour arriver in fine à des actions de terrain auxquelles participent les différents acteurs du territoire.
Les facteurs de réussite
Une équipe animatrice motivée
Le binôme technicien / élu à l’origine de la mise en place des CAP a parfaitement fonctionné. Cela a permis d’avoir une impulsion entraînant les acteurs locaux autour d’eux.
Un contexte favorable
Le changement de mandature au sein de la CA01 a permis de brasser les cartes et de faire apparaître de nouveaux leaders pour prendre en main les dossiers conflictuels.
Les difficultés et les limites
Le travail de bibliographie préalable aux réunions est indispensable pour répondre aux interrogations des agriculteurs. Cependant, un tel travail nécessite un temps important.
Conduire les agriculteurs à prendre du recul sur des thématiques complexes ne peut constituer le cœur d’une réunion. En effet, les exploitants auront du mal à se mobiliser sur un sujet aussi vague. Pour les amener à réaliser ce travail, il faut donc un « prétexte » qui les incite à se réunir (formuler un avis). Ce « déclencheur » de réunion peut parfois sembler en décalage avec l’objet de la prise de recul, cependant un tel écart est difficile à éviter.
Parler ouvertement de l’expression « Dialogue Territorial » conduit à un blocage. Cette thématique n’a donc pas pu être abordée de front, mais par des chemins détournés : du « dialogue qui ne dit pas son nom ».
La mobilisation et la richesse des échanges ont été très variables suivant les sujets abordés. Certains thèmes ont été fédérateurs, quand d’autres n’ont rencontré qu’un succès limité. Cela peut s’expliquer par l’entrée thématique des réunions qui n’était pas forcément en adéquation avec les champs d’action des participants au CAP.