Les plantes envahissantes de La Réunion

Médiation entre professionnels, collectivités et associations pour limiter les plantes envahissantes

Les plantes introduites invasives ou envahissantes constituent une sérieuse menace pour l’équilibre de nombreux écosystèmes. En milieu insulaire, leurs effets sont encore plus dévastateurs. Sur l’île de La Réunion, certaines plantes « exotiques » c’est-à-dire introduites, notamment ornementales, se répandent dans les milieux naturels, concurrencent les plantes natives de l’île et peuvent mener à leur disparition, constituant ainsi une des premières menaces sur le maintien de la biodiversité végétale indigène. Avec les espèces locales, dont nombreuses sont endémiques (c’est-à-dire qu’elles ne se trouvent nulle part ailleurs que dans l’île), ce sont aussi des espèces animales qui sont mises en danger. Esthétiques et de croissance rapide, certaines de ces espèces invasives ont été introduites par des pépiniéristes, des horticulteurs ou des jardiniers amateurs, et sont actuellement utilisées par les paysagistes, les entrepreneurs du paysages, les aménageurs du territoire, les sociétés immobilières, les bureaux d’étude en urbanisme, ou encore les collectivités désireuses de végétaliser les espaces verts ou les bords de route.

Une médiation pour remettre le dialogue sur de bons rails

Le Conservatoire Botanique National et Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement de Mascarin (CBN-CPIE Mascarin) décide de porter  la « Démarche Aménagement Urbain et Plantes Indigènes » (DAUPI) financée par l’État, la Région Réunion et l’Europe. Ils invitent les professionnels des espaces verts et du paysage à une réunion de travail. Mais le contexte est tendu et le dialogue difficile. Les professionnels craignent que la démarche ne se traduise à terme par des contraintes réglementaires et une surveillance de leurs activités dont ils se passeraient bien. Rien de bien positif ne sort de cette première tentative et le projet semble mal engagé. Le CBN-CPIE Mascarin demande alors l’intervention d’un médiateur pour renouer les fils du dialogue.

Même s’il est appelé par le CBN-CPIE Mascarin, le médiateur est vu comme extérieur au jeu des acteurs locaux. Cela lui permet de prendre contact avec les professionnels et de solliciter des entretiens bilatéraux au cours desquels il précise sa position de neutralité par rapport aux acteurs en présence. Il rassure chacun sur le fait que les intérêts de tous seront entendus. Il porte un message des autorités : aucune nouvelle règlementation contraignante n’est en projet. Enfin, il propose des règles pour la tenue des réunions à venir, notamment le respect des personnes et l’écoute des besoins de chacun. Ces 18 entretiens préliminaires permettent aux professionnels d’exprimer leurs craintes et de formuler leurs attentes par rapport à une reprise des discussions, ce qui est résumé par le médiateur dans une synthèse portée à la connaissance de tous. Une fois cette première étape achevée, les tensions sont apaisées et il devient possible d’envisager la suite de la démarche.

Une nouvelle réunion est engagée. Outre les promoteurs du projet, elle rassemble une quarantaine de personnes : professionnels, services de l’Etat, associations naturalistes, collectivités locales. Elle permet de s’accorder sur le principe de mesures non contraignantes visant à limiter le développement des plantes invasives afin de préserver la flore indigène. Elle permet surtout de poser les bases d’un processus concerté et bienveillant afin d’y parvenir.

Des thèmes sont définis et plusieurs groupes de travail sont mis en place, en veillant à ce qu’une diversité d’intérêts soit bien représentée dans chacun d’eux : un premier groupe sur les itinéraires techniques de production, un second sur les questions de communication, un dernier sur les espèces alternatives, c’est-à-dire les espèces indigènes qu’il est possible d’utiliser pour les plantations et les espèces exotiques qui ne sont pas envahissantes.

Belles et inoffensives

Le choix d’une liste d’espèces indigènes et d’espèces exotiques non envahissantes à promouvoir devient l’objet de longues discussions, notamment grâce à l’appui de scientifiques. Les espèces retenues doivent être compatibles avec les besoins des aménageurs. Les associations naturalistes demandent que les plantes indigènes ne soient pas prélevées dans la nature. Les apiculteurs sont sensibles aux propriétés mellifères des espèces choisies…

Une base de données est constituée. Des fiches techniques sont rédigées de façon participative. La collecte de semences est engagée sur le terrain. Les arboretums existants sont répertoriés et mobilisés pour créer des pépinières de plantes locales. Du fait de craintes toujours présentes, certaines propositions sont abandonnées. C’est le cas d’un projet de label, interprété par certains acteurs locaux comme possible prémisse à de futures mesures règlementaires.

Tous les professionnels n’adhèrent pas pleinement à la démarche, mais une impulsion est lancée et le sujet cesse d’être conflictuel. La question n’est plus de savoir si les acteurs locaux sont pour ou contre l’utilisation de plantes indignes ou exotiques, mais à quelles conditions ils accepteraient de changer de pratiques pour se rapprocher d’un objectif qui est désormais mieux compris. Travailler sur les résistances permet peu à peu de lever certains obstacles.

En 2014, deux ans après le début de la démarche, des partenariats sont signés entre le CBN-CPIE Mascarin et certains organismes professionnels, qui permettent d’engager des mesures concrètes : choix d’espèces, production de plants, création d’arboretums dédiés à la démarche, plantations… En 2015, une première commune de l’île s’engage à suivre la démarche. Aujourd’hui (2017) de nombreux professionnels l’ont fait à leur tour et mettent en œuvre les recommandations issues de la concertation dans l’aménagement paysager des espaces publics de l’île.

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2012
  • Département concerné :
    974

Structure

  • Conservatoire Botanique National et CPIE de Mascarin
  • 2 rue du Père Georges. Les Colimaçons
  • 97436 Saint Leu La Réunion
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A propos de cette fiche

  • Cette fiche est extraite du livre »Concertation et environnement : les acquis des expériences locales ». Comédie, 2017. Voir la Bibliographie