
L’aménagement de la plage du Petit et du Grand Travers
Une médiation qui fait suite à un conflit
La plage du Petit et du Grand Travers et son arrière-dune, dans le département de l’Hérault, ont fait l’objet d’un projet d’aménagement qui a suscité une forte opposition de la population locale et qui a débouché sur un processus de concertation qui a contribué à son tour à l’élaboration d’un nouveau projet.
Le contexte
Le projet initial avait été élaboré par le Département, le Conservatoire du Littoral et deux communes concernées, avec l’appui de la Préfecture du Littoral, sans concertation avec la population locale. Il visait à supprimer une petite route bordant la plage et qui servait à la fois de desserte et de stationnement aux nombreux estivants. La création de parkings devait compenser les pertes de places de stationnement. L’objectif était à la fois d’anticiper un recul du trait de côte dû à la montée du niveau de la mer, de préserver les dunes qui sont des espaces naturels fragiles et de mieux réguler la circulation automobile afin de prévenir d’éventuels accidents.
La présentation publique du projet a suscité de vives critiques, à la fois du fait de l’absence de concertation préalable et parce que des usagers et associations locales craignaient que le stationnement ne devienne payant, que l’accès à la plage soit plus difficile du fait de l’éloignement des parkings, que des espaces naturels soient détruits pour les créer, etc. Suite à un recours au Tribunal et une campagne dans les médias engagée par un petit groupe d’opposants au projet, les institutions locales ont décidé d’engager une concertation et fait appel pour cela à un médiateur de la Scop DialTer.
Les étapes et les instances
Une étape préparatoire a consisté en une identification des usages de cette portion du littoral et un repérage des acteurs concernés : associations d’usagers, de riverains, de protection de l’environnement et de sport (kite-surf), organisations de professionnels (établissements de plage, commerçants, camions-snacks), institutions (Département, Conservatoire du Littoral, communes, Etat). Ensuite, le médiateur a mené des entretiens individuels avec chacun d’eux afin de cerner les enjeux et préciser le dispositif de concertation.
Un « Groupe de projet » a ensuite été mis en place, constitué de un à deux représentants de chacune de ces structures (plus un habitant à titre individuel, désireux de s’impliquer). Ce groupe incluait également des représentants des décideurs institutionnels. Son rôle était de faire des propositions sur le nouveau projet d’aménagement. Parallèlement, un Comité de pilotage a été constitué par les seuls décideurs. Son rôle était de prendre des décisions sur l’aménagement du site.
Les réunions ont alors pu commencer. En premier lieu, un diagnostic de la situation a été dessiné à partir des constats de chacun et les participants ont identifié de fortes divergences entre eux sur leurs visions de la situation de départ : caractère préoccupant ou non de la circulation automobile, richesse biologique du site, impact économique des activités de plage, recul effectif du trait de côte et dynamique de l’érosion, etc. Afin de se mettre d’accord sur l’état des lieux, ils ont décidé d’auditionner des experts (universitaires, associations…) et de confronter leurs apports avec leur propre vision du site. Les thèmes sur lesquels faire intervenir des experts ont été choisis collectivement et les noms des experts leur ont été soumis pour accord préalable. Une visite du site a également été organisée avec deux experts (sur la question de l’érosion). Cette étape de formation, qui s’est étalée sur quelques mois, a permis de dissiper certains malentendus (mais pas la totalité), de progresser collectivement dans la connaissance du site, de créer des liens d’interconnaissance et d’établir des règles de respect mutuel, alors que le contexte initial était très tendu.
Au cours des réunions suivantes, les participants ont identifié leurs attentes : facilité d’accès à la plage, mixité de la fréquentation, gratuité du stationnement, préservation de la biodiversité, maintien d’un paysage naturel, qualité des eaux de baignade, etc. Des scénarios ont ensuite été dessinés par eux, puis des compromis ont été recherchés entre les solutions proposées par eux afin de dégager un maximum de points de consensus.
Après plus d’un an de concertation, un nouveau projet a été élaboré, qui a obtenu l’accord de la grande majorité des participants. Une association s’est cependant désolidarisée à la fin du processus, ainsi que l’habitant individuel, et d’autres ont donné leur accord sur les solutions retenues tout en faisant état de certaines réserves. Ces accords et ces réserves ont été consignés dans un document écrit qui a été validé par tous.
Ce document, qui présente les constats et les propositions du Groupe de projet, a alors été transmis au Comité de pilotage à l’issue de la concertation. Le Comité de pilotage avait déjà pris certaines décisions au cours du processus (par exemple, expérimenter la mise en place de transports en commun desservant la plage) et il a pris une décision finale après la concertation (le choix du nouveau projet d’aménagement) en faisant du document de proposition le cahier des charges du nouveau projet.
Les résultats
Les aménagements ont finalement été mis en œuvre en 2014-2015. Ils sont partiellement différents de ceux prévus dans le projet initial : si la route a bien été détruite, elle a été remplacée par une piste et par des stationnements localisés en arrière des dunes. Des transports en commun ont également été proposés à un prix attractif.
Si le projet ne correspond pas tout à fait aux propositions du groupe de projet, qui n’avait pas retenu par exemple la création de cette piste même si cette hypothèse avait été discutée en réunion comme une solution possible, de nombreuses propositions issues de la concertation ont été adoptées. Les écarts entre celles-ci et les décisions finalement mises en œuvre sont probablement dûs à l’irruption dans le processus décisionnel d’acteurs n’ayant pas participé à la concertation : une Communauté de Communes qui a pris cette compétence un peu tardivement ; des professionnels (paysagistes et programmistes) qui ont été sollicités lors de la phase de mise en œuvre et qui ont fait évoluer le projet en fonction de leur vision des choses. Malgré cela, on peut dire que la concertation a eu des effets sensibles puisqu’elle a fait évoluer de façon importante le projet initial et qu’elle a mis fin au conflit qu’il avait suscité.