Inventaire participatif des zones humides

Mobiliser les connaissances des habitants pour un recensement communal

Situé en tête de bassin versant, dans un secteur très rural, le territoire du SAGE Loire Amont se caractérise par la présence de nombreuses zones humides sur lesquelles une forte pression s’exerce. La qualité de l’eau, globalement bonne, peut présenter localement des dégradations physico chimiques ou une problématique par rapport au phosphore.

Dans ce contexte, le Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) Loire Amont a pour enjeux l’amélioration du fonctionnement naturel des milieux aquatiques et la gestion quantitative et le partage de la ressource, la réduction de la vulnérabilité face au risque d’inondation ainsi que l’amélioration et la préservation de la qualité des eaux. Impliquant 173 communes, il a été validé par Commission Locale de l’Eau fin 2016.

Considérant que le SAGE est d’abord un outil pour gérer les conflits d’usage liés à la gestion de l’eau et des milieux aquatiques, la chargée de mission du conseil départemental, dédiée à son animation, fait rapidement le choix de s’entourer de spécialistes de la concertation. Différents groupes de travail sont constitués : qualité des eaux, ouvrages hydroélectriques, gestion quantitative et qualité des milieux aquatiques. Ce dernier groupe intègre la question des zones humides, sujet potentiellement conflictuel sur ce territoire, avec des points de vues très différents. D’un coté ceux qui souhaitent protéger la biodiversité de ces milieux et valoriser leur fonction hydrologique de retenue et restitution d’eau. Et de l’autre des agriculteurs qui subissent les contraintes en terme d’exploitation de ces milieux, d’embourbement des tracteurs, ou craignent la propagation de maladies. Afin de débloquer d’éventuels situations complexes, l’équipe d’animation, en partenariat avec la chambre d’agriculture et les élus, fait le choix de tester une méthodologie de recensement participatif de ces zones humides.

Inventaire participatif

S’il est tout à fait possible de réaliser un recensement des zones humides d’un territoire, à partir de données scientifiques, en faisant appel à un prestataire spécialiste, ce rendu risque de passer outre certaines informations telles que les zones humides qui n’existent plus aujourd’hui, ou celles présentes sous les couverts végétaux ou dans des secteurs reculés.  Le postulat de départ est donc que les habitants du territoire disposent d’une connaissance de celui-ci qui les rend à même de réaliser, de façon collective et participative, ce recensement des zones humides. L’objectif est également de faciliter l’appropriation de ces enjeux de gestion de la ressource en eau par les habitants.

La méthodologie sera d’abord testée sur la commune de Saint Victor sur Arlanc, située sur un affluent de la Loire, en 2010. L’implication de la Maire*, très motivée par la démarche, permet de mobiliser efficacement les habitants via des articles dans la presse communale, des affiches et des courriers envoyés à tous les agriculteurs de la commune. Une pré identification des zones humides situées sur la commune est réalisée en amont. Puis une réunion publique est organisée avec deux objectifs. Tout d’abord, compléter à partir des connaissances des habitants, le travail de pré identification des zones humides réalisé. Concrètement, de grandes cartes sont imprimées, et chaque participant, stylo en main, est invité à intervenir sur ces cartes pour mentionner des secteurs où, selon lui, des zones humides sont, ou étaient, présentes. « A partir du moment où on leur a donné un crayon, et expliqué qu’on n’était pas des spécialistes et qu’on allait se baser sur leurs savoirs, on a senti un déclic », témoigne l’animatrice du SAGE.

Le deuxième enjeu était de trouver des bénévoles qui souhaitent poursuivre leur implication en réalisant des recensements sur le terrain. Un groupe d’une douzaine de bénévoles est ainsi constitué et réalise deux sorties. Une formation des volontaires est organisée en amont, afin que ceux-ci identifient au mieux les espèces botaniques caractéristiques des zones humides. Cela permet également de « rassurer » les volontaires. Les questionnaires ainsi remplis sont ensuite traités par l’animatrice, appuyée de stagiaires. Les données compilées et les rendus cartographiques sont intégrés dans un livret communal.

Comment étendre la méthode ?

La démarche de recensement participatif des zones humides est ensuite développée sur d’autres communes mais se confronte rapidement à la difficulté des moyens humains qu’elle suppose, notamment pour la préparation du terrain et le traitement des données. Elle est donc rapidement mise en attente. Toutefois le document-cadre du SAGE préconise d’appliquer cette méthode participative pour chaque recensement de zones humides. Cette disposition du SAGE met en avant l’intérêt de la démarche participative pour associer et impliquer l’ensemble des acteurs (élus, habitants, propriétaires et exploitants agricoles), dans les phases de pré-localisation et de rendu.

L’ambition de concertation ne s’est pas limitée aux zones humides, mais a concerné l’intégralité du SAGE, au-delà des obligations réglementaires. La société civile a ainsi été mobilisée sur l’ensemble des groupes de travail, avec 7/8 personnes qui participaient de façon régulière, apportant ainsi un regard complémentaire de celui des acteurs plus coutumiers de ces instances.

Un autre exemple de cette attention portée à l’ensemble des acteurs. Lors de la commande d’une étude hydrologique auprès d’un cabinet spécialisé, est intégrée dans le cahier des charges la tenue obligatoire d’une formation préalable qui permette à tout le groupe présent d’être en mesure de comprendre les résultats présentés.

Mobiliser oui… mais pourquoi ?

« S’ils se sentent impliqués et que leur participation est valorisée, ils vont être fiers de leur territoire et auront d’autant plus envie de le valoriser et de le protéger par la suite » indique la chargée de mission du SAGE. Et de renchérir « ce mode d’expression des habitants est nouveau, différent, et il a sa place à côté de la concertation plus institutionnalisée ». La principale difficulté à appliquer ce principe de participation locale au dispositif SAGE est l’étendue du territoire concerné, qui rend difficile l’approche de terrain pourtant nécessaire pour garantir une réelle implication. Et la démultiplication de ces recensements participatifs se heurte au manque de moyens humains et financiers pour les mettre en œuvre.

Les résultats obtenus par cette démarche nouvelle sont sans doute plus complets que par une méthode classique, via bureau d’étude, même s’il faut accepter une certaine hétérogénéité des données. Au-delà de la valorisation des connaissances des habitants, ce recensement participatif, et les discussions qui ont eu lieu lors des réunions publiques ou des sorties de terrain, ont également permis de lever des appréhensions. Les premières réactions étaient parfois assez négatives par peur de “contraintes”, de “freins aux activités”. Les outils (cartographie du territoire) et la méthode (explication, sollicitation de leur connaissance du territoire…) ont permis de lever ces craintes, et de dépasser les tensions coutumières entre acteurs agricoles et environnementaux. Les comportements ont changé, les habitants ont participé et sont venus sur le terrain, et l’implication des agriculteurs montre qu’ils sont plutôt en demande de ce type d’initiative.

La démarche, appréciée des acteurs du territoire, a inspiré d’autres expériences. Un livret a été produit à l’issu du test et cette méthode participative a été retenue pour chaque recensement de zones humides. Différents acteurs s’en sont également inspirés pour conduire des recensements dans le cadre de contrats territoriaux.

Ce processus participatif permet d’acquérir des données, mais facilite aussi l’appropriation de la démarche par la population qui contribue aux connaissances et en acquiert de nouvelles. Et de faciliter ainsi le respect de ces lieux source de biodiversité.

* Sur cette expérience, voir aussi : « La bonne démarche, c’est de faire avec les gens de terrain ». Entretien avec Josette Leroy.

Fiche extraite de la publication « Concertation et environnement, les acquis des expériences locales« , Comédie, 2017.

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2010
  • Département concerné :
    43

Structure

  • Conseil Départemental de Haute-Loire
  • EPTB - Etablissement Public Loire. 2, Quai du Fort Alleaume CS 55708
  • 45057 Orléans Cedex
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  • Personne contact: Valérie Badiou

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