Gestion des ressources au Sénégal

Des ateliers de simulation participative pour concevoir les politiques publiques

Des chercheurs du Cirad et leurs partenaires sénégalais ont expérimenté avec succès une méthode participative d’élaboration de politiques de gestion des ressources naturelles, qui combine jeux de rôles et plateau de simulation (approche ComMod). Elle permet aux paysans de tester leurs propositions pour un développement durable sans présupposés scientifiques ou politiques. L’enjeu est de laisser s’exprimer au mieux les savoirs locaux pour y puiser des solutions originales adaptées à l’exploitation des ressources naturelles dans le contexte climatique incertain du Sahel.

Origine du projet

Pendant cinq ans, les chercheurs du Cirad et leurs partenaires sénégalais ont expérimenté une plateforme participative d’élaboration des politiques publiques. En combinant jeux de rôles et plateau de simulation, elle permet aux paysans de tester entre eux, en les « jouant », leurs idées de règles collectives pour une utilisation durable des ressources naturelles et de la terre. La plateforme est ensuite partageable avec les décideurs nationaux, sous la forme d’une version informatisée du « jeu », qui permet d’analyser les propositions paysannes et d’y insérer de nouvelles propositions. Cette version informatisée est utilisée en parallèle directement avec les paysans.

Au Sénégal, après une expérimentation de cinq ans dans une multitude de contextes, la plateforme a été transférée en 2014 à la société civile, qui l’utilise à grande échelle afin de développer un dialogue avec l’Etat au sujet des politiques de réforme foncière.

Une conception participative des politiques publiques

Ces « jeux » de simulation sont le produit d’une décennie de recherche interdisciplinaire entre spécialistes des sciences sociales, de la modélisation et des sciences de l’environnement. Ils renouvellent les formes de dialogue et de reconnaissance réciproque entre les savoirs paysans (et plus largement locaux), les savoirs scientifiques et les savoirs des décideurs politiques.

Le premier enjeu est de concevoir de manière participative des politiques publiques, en impliquant les différents partenaires dans un dialogue concret et plus équilibré. Le deuxième objectif est d’améliorer l’efficacité de ces politiques en y intégrant les spécificités locales et les idées originales qu’elles peuvent produire. Un modèle ouvert laissant s’exprimer les savoirs locaux. La démarche débute par des ateliers qui permettent aux paysans d’exposer, sans présupposés ni prédominance du savoir expert, leurs propres représentations de la « réalité » et leurs propositions pour les politiques publiques.

Le modèle étant entièrement ouvert à toute modification que les participants jugent nécessaires, chaque atelier de simulation participative comporte toujours des apports spontanés : nouveaux rôles improvisés par des participants (rôle de chef de village, élu local, représentant de l’Etat, investisseur, migrant, porte-parole d’un secteur d’activités), émergence de concertations (entre territoires, entre activités, entre les acteurs d’une filière, entre populations et Etat).

Des savoirs locaux utiles à la science

Les populations sahéliennes ont construit des formes d’organisation pour exploiter de façon durable et soutenue des ressources rares et dans un climat extrêmement incertain. La densité de population présente depuis des siècles sur ces territoires désertiques en témoigne. Ce savoir en partie oublié peut leur permettre de proposer, en ces temps d’incertitude climatique, des formes originales de régulation de l’accès aux ressources naturelles.

Les résultats observés

À travers ce processus de « self-design » puis de « self-simulation », les participants sont ainsi entraînés dans un apprentissage collectif par l’action, qui les amène à améliorer progressivement leurs propositions. Ces dernières étant de plus endogènes, elles auront donc beaucoup de chance de s’inscrire durablement dans le contexte local,

Ainsi, début 2014,  au Sénégal, cette approche a été lancée au niveau national pour aider la société civile à s’impliquer fortement et efficacement dans le processus de réforme foncière en cours. La société civile a utilisé le jeu TerriStories de par le pays, dans différents contextes régionaux et à différentes échelles mais toujours avec un plateau de jeu à l’échelle du pays (de façon à focaliser les participants au niveau des enjeux de politiques publiques). Cette utilisation autonome et à grande échelle a amené à une dynamique autonome et productive au sein de la société civile qui ont abouti à une série de propositions alternatives de la part des paysans, les Directives Paysannes sur le Foncier, qui ont été partagées et débattues avec des experts, puis défendues auprès des décideurs et des autorités.

Vers un langage commun entre une diversité de points de vue?

Le but ultime de TerriStories est de parvenir à terme à fournir des éléments de communication assez génériques pour permettre à tout un chacun, quelle que soit sa culture, sa façon de penser et ses aspirations, d’exprimer ses visions raisonnées du monde et de comprendre et reconnaître celles des autres.L’outil de dialogue idéal est celui qui rassemblera les différentes formes d’expression des savoirs et des points de vue de par le monde et sur le monde : expression orale sous toutes ses formes, expression corporelle et visuelle (couleurs, formes), et la structuration logique de l’expression scientifique… autrement dit, un jeu.…Amener des joueurs de diverses régions du monde à partager et renforcer leurs positions, sur la façon dont le monde devrait marcher.

 

Contenus issus du site http://www.terristories.org/fr/science-societe.html

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2010
  • Département concerné :
    34

Structure

  • CIRAD
  • Cirad Montpellier
  • 34398 Montpellier
  •  
  • Personne contact: Patrick d'Aquino

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