Gestion concertée de la Plaine de Gerbey

Concilier l'agriculture et les autres usages par le dialogue

Dans un espace naturel sensible, des acteurs locaux engagent une concertation pour définir un plan de gestion permettant à la fois de pérenniser l’activité agricole et d’assurer la préservation de la richesse du site.

Le contexte

La plaine de Gerbey est un espace hétérogène d’une centaine d’hectares situé le long du Rhône comprenant :

  • Une forêt alluviale le long de la rive; elle appartient essentiellement à la commune et à la CNR; il y a un ENS (Espace naturel sensible) local visant à préserver cet espace. Cet ENS est valorisé par le Centre d’Observation de la Nature de l’Ile du Beurre (CONIB) situé sur l’autre rive du Rhône (visites pédagogiques de scolaires accompagnés). Une partie de la forêt comporte également un AP de Protection de Biotope.
  • Une plaine agricole entre la forêt et la route (+ chemin de fer) avec production de céréales et fruits sur environ 50 ha; il y a des parcelles en friches; la majeur partie de l’espace est valorisé par 2 agriculteurs, le reste par 5-6 agriculteurs à la retraites ou faiblement impliqués sur cet espace (vignerons de l’autre côté du Rhône).
  • Des coteaux boisés après la route qui servent surtout à la promenade et la chasse.
  • Une base de loisirs nautiques au sud de la plaine de Gerbey sur la commune voisine (Les Roches de Condrieu); le parking de cette base fait l’interface avec l’entrée de la plaine.

Les principaux acteurs (commune, CONIB, agriculteurs, CDA 38, associations de protection de la nature, chasseurs, etc. voir schéma) se sont réunis dans le cadre des Comités techniques de l’ENS (espace naturel sensible) de la forêt alluviale de Gerbey. Ces rencontres ont permis de créer un premier niveau de dialogue et montrent bien l’intérêt et le besoin d’une gestion concertée sur cet espace.

Mais les positions des différents acteurs ne sont pas toujours claires et il y a confusion depuis le départ sur l’échelle de la gestion concertée. Cette confusion a notamment été générée par le souhait du CGI d’étendre l’actuel ENS à l’ensemble de l’espace agricole et aux coteaux pour en faire un ENS départemental.

Les enjeux et les problèmes

Au-delà des conflits d’usage entre espace agricole et espace naturel (cas des parcelles de peupliers, circulation), certains acteurs réagissent assez mal à l’idée de protéger l’espace en étendant l’ENS local à l’ensemble de la zone. Les inquiétudes sont cristallisées sur la crainte de perdre l’usage de l’espace (production agricole, loisir chasse), du fait du droit de préemption du CGI dans le cadre d’un ENS départemental. Dans ce contexte, les communes peinent à arbitrer entre agriculture et environnement.
Il faudrait considérer 3 niveaux différents de problématique :
– les questions qui relèvent de l’espace naturel (gestion du site),
-les questions qui relèvent de l’espace agricole (avenir de l’activité agricole, projets des agriculteurs),
-les questions qui relèvent des relations entre ces deux espaces (utilisation du bois, problèmes de circulation des personnes, etc.).

Un quatrième niveau d’analyse pourrait être ajouté : la relation entre plaine agricole & espace naturel vis à vis de l’environnement périurbain et la base de loisirs (source de problèmes…).

Les objectifs

Globalement, les objectifs de la démarche sont de déterminer :
– Comment pérenniser l’activité agricole sur ce territoire
– Comment concilier activité agricole et protection du patrimoine naturel.

Ces objectifs ont globalement été formulés au sein du comité technique de l’ENS local. Dans ce contexte, les objectifs de « dialogue » sont les suivants :
– Comment transformer un projet plutôt descendant concernant quelques acteurs en un projet local porté par l’ensemble des acteurs ?
– Comment prendre en compte les fortes résistances vis à vis du projet d’ENS de la part des agriculteurs et encore plus des propriétaires fonciers et chasseurs des coteaux et plus particulièrement, comment gérer la résistance passive vis à vis de tout projet des 2 principaux agriculteurs qui ont conscience des enjeux mais qui restent bloqués sur leurs positions (méfiance vis à vis du projet d’ENS, absence de projets quant à l’avenir du site, confiance très limitée dans les possibilités d’améliorer leurs conditions, etc.) ?

Les partenaires

L’initiative de la démarche revient au comité technique de l’ENS local, sans toutefois qu’il y ait de réel « maître d’ouvrage » désigné. C’est probablement une des faiblesses du dispositif. Il n’y a pas non plus de réel « maître d’œuvre », ce sont les différents partenaires qui s’investissent, chacun à leur niveau.
Les partenaires associés font globalement partie du Comité technique de l’ENS local

Les étapes

– Un diagnostic a été réalisé (diagnostic d’opportunité de création d’un ENS départemental), mais il n’est pas partagé
– Une instance de dialogue a régulièrement été réunie (comité technique de l’ENS local) et des entretiens préalables avec les agriculteurs ont eu lieu, mais le niveau de dialogue territorial reste faible (incompréhensions, ressentiment, etc.) et cette instance n’aborde pas directement les questions liées à la plaine agricole…
– Il y a déjà eu des actions engagées pour protéger l’espace agricole (détournement d’un chemin de randonnée, mise en place de panneaux de signalisation, etc.).

Comment le dialogue s’est engagé

Il existait un ENS local régulièrement suivi par un « Comité technique », l’élément déclencheur de la démarche a été le projet de création d’un ENS départemental. Un diagnostic a été réalisé sur ce point qui a suscité la réaction des agriculteurs, d’où la démarche d’aller plus loin dans la discussion et d’associer tous les agriculteurs de la zone à une première réunion de concertation avec la profession agricole le 10 mai 2007 où tout le monde s’est déclaré d’accord sur les enjeux (préservation de l’agriculture) mais où aucune réelle perspective d’action concertée n’est apparue…

Suite à cette réunion, le Comité technique a décidé de poursuivre la réflexion collective avec les agriculteurs et tous les acteurs de la zone (qui font déjà partie du comité technique)

Les résultats

Une vingtaine de personnes ont participé à la concertation : un tiers d’élus, un tiers d’agriculteurs, un tiers d’autres acteurs de la zone : Centre d’observation de la nature de l’Ile au Beurre, associations protection de la nature, services CGI, propriétaires…

Les échanges ont été tendus au départ à cause d’un manque de confiance réciproque et une difficulté à trouver un terrain d’entente. Mais la démarche engagée a conduit les gens à mieux se connaître et à prendre en compte les attentes des autres tout en formalisant mieux leurs propres objectifs.

Les suites

Suite à une nouvelle visite de terrain de la Chambre d’Agriculture et les deux principaux agriculteurs du site :
1. La visite sur le terrain montre que les choses bougent assez rapidement sur l’espace agricole (prise / déprise des parcelles) et que des projets d’installation sont en cours ou seraient envisagés. Le diagnostic rapide réalisé il y a 2 ans est donc à réactualiser. De plus cela démontre le potentiel de maintien et de développement de l’agriculture sur cet espace.
2. Les agriculteurs présents se retrouvent sur le fait d’abandonner l’idée d’un ENS départemental. Ils entendent également que le fait d’élaborer un projet local, d’être force de proposition sera sans doutes la meilleure manière de protéger cet espace agricole.

Dans ce contexte, il est envisagé la mise en place d’un groupe pérenne de gestion concertée de la plaine agricole qui puisse dans un premier temps partager et préciser les éléments de diagnostic déjà réalisés, établir une convention SAFER pour travailler sur le foncier, s’orienter vers la création d’une ZAP et mobiliser des moyens de communication sur le site en sollicitant le financement du CDPRA Rhône PLURIEL, etc.

Pour aller dans ce sens, ils envisagent de réunir l’ensemble des agriculteurs et les principaux propriétaires fonciers de l’espace agricole pour en discuter entre eux avant de rencontrer les autres acteurs de la zone dans l’objectif de :
1. Montrer aux agriculteurs ce qu’ils ont à gagner d’une telle démarche (essentiellement des moyens pour aménager, protéger et gérer le site).
2. Donner des garanties quant à l’utilisation future du foncier (maintien de la vocation agricole), à la promotion du site et à la stabilité du dispositif dans le temps.
3. Expliquer clairement les contraintes envisageables vis à vis de la production agricole (la discussion du cahier des charges de production est une négociation) pour une meilleure concertation avec les environnementalistes.

Ce positionnement plus fort des agriculteurs devra être confronté aux positions des autres acteurs de la zone, dans la recherche d’un projet commun.

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Département concerné :
    38

Structure

  • Chambre d'Agriculture de l'Isère
  • zone Artisanale Gère
  • 38200 Vienne
  •  
  • 04 74 85 94 29