Forêt et grande faune, la gestion des équilibres

Concertation entre acteurs locaux dans les espaces forestiers de Rhône-Alpes

La présence d’ongulés sauvages en forêts (cerfs, chevreuils, sangliers, chamois, mouflons) est très vite sujette à des divergences de points de vue, voire à des oppositions plus conflictuelles, certains stigmatisant les chasseurs comme favorisant ces animaux, d’autres ne voyant que les dégâts qu’ils génèrent potentiellement sur les plantations forestières, des associations de protection de la nature réagissant en cas de plans de chasses trop sévères… Bref, la tendance est à ce que chacun reste campé sur ses positions et la gestion forestière, comme la chasse, vire parfois au conflit dans certains massifs.

Pour le Conservatoire d’espaces naturels et lObservatoire de la grande faune et de ses habitats (OGFH), des compromis sont possibles mais ils nécessitent un changement de regard, un besoin de s’appuyer d’une part sur des outils et arguments plus scientifiques et rationnels, d’autre part sur un partage de cette information avec une gestion collaborative du suivi des populations d’ongulés sauvages, permettant de mieux anticiper les dégâts des animaux sur les plantations. Il existe pour cela des connaissances scientifiques et des méthodes nouvelles permettant de déceler précocement les traces laissées par un début de surpopulation d’ongulés, ce qui permet d’adapter les plans de chasse et la gestion forestière et surtout de dépassionner les débats.

Les objectifs

Mobiliser les connaissances techniques et scientifiques et croiser les expériences des acteurs concernés permet de mieux anticiper. L’objectif est la co-construction de solutions par les protagonistes eux-mêmes. Il faut pour cela faire émerger une nouvelle vision du problème, partager les regards objectifs de praticiens et de scientifiques, puis diffuser des messages et faire évoluer les pratiques.

Le Conservatoire, l’ONCFS et l’OGFH rassemblent alors des représentants des forestiers privés (dont des propriétaires) et publics, des experts de la forêt, de la chasse ou de la gestion cynégétique, des scientifiques de divers réseaux associatifs, de laboratoires de recherche ou d’universités, les fédérations régionale et départementales de chasseurs, des structures de formation forestière ou cynégétique, des associations de protection de la nature autour d’une dynamique capable de les motiver à construire un projet concret.

Le processus de concertation

Dans un premier temps le Conservatoire, qui souhaite travailler à l’échelle de la région Rhône-Alpes, se rend compte qu’il sera impossible de mobiliser les milliers de chasseurs, de forestiers et de naturalistes de la région. Il faut donc identifier des associations ou organismes relais, qui seront à la fois de bons porte-parole de leurs bases et de qui seront en mesure de diffuser des messages vers elles en retour, ainsi que vers l’ensemble des citoyens. Une cartographie des acteurs a ainsi été élaborée et des représentants de ces organismes invités à participer au processus de concertation. « Les participants étaient ouverts au dialogue, note un des animateurs de la démarche, mais chacun était quand même persuadé d’avoir raison et convaincu que c’était aux autres de changer d’opinion ! ».

Afin de se donner un but concret, le Conservatoire propose à cet ensemble d’acteurs l’élaboration d’un cahier technique, appuyé sur des expériences de terrain et proposant des outils techniques et méthodologiques. L’intérêt de cet objectif concret est de se mettre d’accord sur les mesures à promouvoir et d’éviter les généralités. Les écrits restent et obligent chacun à plus de concession pour un propos juste, surtout quand les participants à cette concertation deviennent membres d’un comité de rédaction et donc co-signataires de l’ouvrage. Mais la finalité est plus large : partager des constats, se donner un langage commun, faire évoluer les points de vue en mobilisant des connaissances nouvelles sur la grande faune et en partageant des expériences concrètes.

Le processus de concertation se déroule sur deux ans, ponctué d’une série de réunions mais également d’une longue pause de 6 mois. « Quand des positions semblent irréconciliables, note l’animateur, il faut parfois s’arrêter pour laisser les choses reposer. Après quelque temps, on reprend les échanges et à ce moment-là, des accords deviennent possibles. Il faut laisser aux acteurs concernés le temps de faire progresser leur réflexion ».

Les enseignements

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette démarche de rédaction collective.

  • D’un point de vue pédagogique, il est plus utile de montrer des expériences positives que de délivrer des discours généraux qui feraient passer les rédacteurs pour des donneurs de leçons.
  • Au cours de la réflexion, la mobilisation d’expériences concrètes sur le territoire permet d’ancrer les discours dans la réalité et d’éviter les « y’a qu’à… ».
  • Le fait de présenter, dès les premières pages du cahier technique, de courts témoignages d’acteurs diversifiés montre bien la diversité de leurs approches et facilite ensuite pour chacun l’acceptation de compromis.
  • Il est important de valoriser les expérimentations qui vont dans le bon sens et les efforts des acteurs, des chasseurs ou des naturalistes : c’est un gage de reconnaissance.

Il est difficile, même après plusieurs années de recul, de savoir jusqu’à quel point ce processus de dialogue a contribué à prévenir des conflits et a favorisé une meilleure compréhension, par chacun, des enjeux des autres. Le Conservatoire a cependant le sentiment que le dialogue a progressé, qu’une attitude de réflexion partagée sur ces problématiques s’est instaurée. Une telle démarche à l’échelle régionale a cependant des limites et devrait être dupliquée dans les territoires, à l’échelle des massifs forestiers, avec des acteurs proches de ces territoires.

 

Consulter le cahier technique : Forêt et ongulés sauvages, vers une gestion adaptative (CEN Rhône-Alpes, OGFH, ONCFS, 2015)

Fiche mise à jour en 2018 à partir d’informations fournies par le CEN Rhône-Alpes

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2013
  • Département concerné :
    69

Structure

  • Conservatoire d'espaces naturels Rhône-Alpes
  • Maison forte - 2 rue des Vallières
  • 69390 Vourles
  •  
  • Personne contact: Pascal Faverot
  • 04 72 31 84 55