La concertation doit contribuer à créer du commun

Entretien avec Laurence Monnoyer-Smith

Quel est le contexte actuel de la concertation environnementale ?

On peut constater un double mouvement depuis le début des années 2010, c’est-à-dire depuis la mise en place des lois Grenelle.

D’un côté, un approfondissement des formes et des dispositifs de participation dans les territoires, avec le développement des chartes de la participation, l’activité des Conseils de développement, la mise en place de services dédiés à la participation dans plusieurs collectivités, etc.

On peut dire que nous sommes passés d’une période d’expérimentation à une période de mise en œuvre régulière, d’inscription de la participation dans le fonctionnement courant de certaines organisations, de retours d’expériences et de certaines formes de capitalisation.

Ces évolutions sont dues à plusieurs facteurs : les actions de formation menées au cours des dernières années, l’activité d’associations et de réseaux comme l’Institut de la concertation, de la Commission nationale du débat public, etc.

D’un autre côté, des résistances face à la concertation

Du côté réglementaire, la situation actuelle se caractérise par une grande instabilité juridique et des textes trop nombreux. Cela provoque une radicalisation du discours de certains acteurs, au premier rang desquels les maitres d’ouvrages qui ont besoin de visibilité et de simplicité, mais pas seulement : les associations et les citoyens s’en plaignent également. Ce plus, ce droit pléthorique ne garantit en rien le résultat en terme de protection de l’environnement et de qualité des projets.

On a trop souvent tendance à légiférer et à complexifier. Il est urgent de passer à autre chose : cesser de produire de la réglementation dans le domaine de l’environnement et dans celui de la participation, stabiliser le droit actuel voire le simplifier ; produire de la « soft law » c’est-à-dire des incitations non réglementaires, par exemple en développant les bonnes pratiques ; enfin, mettre en place des dispositifs agiles, souples.

Quel est l’enjeu du développement des pratiques de concertation ?

La demande sociale de concertation est réelle. On la perçoit clairement sur le terrain. Elle vient des citoyens, des associations, des syndicats, des élus locaux… La société civile demande à pouvoir donner son avis en amont des décisions mais également à ce que ces avis soient écoutés, prise en considération. Les concertations de façade créent des réactions désabusées et « anti-système », alimentent les théories du complot et contribuent à radicaliser les rapports sociaux.

Il y a actuellement dans la société un déficit d’horizon commun mais en même temps une soif de vivre-ensemble, d’espoir, d’optimisme et de projets. Les jeunes sont trop souvent absents des processus de concertation alors que ce sont eux qui peuvent exprimer cela et le traduire en projets. Les entreprises également attendent que des histoires et des avenirs se dessinent sur les territoires : elles en ont besoin pour se projeter, entreprendre et innover.

Les territoires peuvent être des lieux de mobilisation, de reconstruction du lien, de la coopération, de synergies public-privé. La concertation doit contribuer à créer du commun. Pour cela, les initiatives locales de coopération sont décisives. L’Etat doit également participer à ces dynamiques, en adoptant un rôle d’animateur.

 

Propos recueillis en 2016 par Pierre-Yves Guihéneuf

Quelques informations

  • Type de fiche : Entretien

L'auteure

  • Laurence Monnoyer-Smith a été Professeure à l’Université technologique de Compiègne, vice-présidente de la Commission nationale de débat public. Elle est Commissaire générale au développement durable au ministère de l’Environnement.

    Elle a notamment contribué à l’ouvrage : « Le débat public : une expérience française de démocratie participative » (La Découverte, 2007) résumé