Protéger ensemble la mangrove de Mayotte

Mieux connaître pour mieux préserver, une expérience de mobilisation de la population

L’île de Mayotte possède un patrimoine naturel exceptionnel. La préservation du lagon et du littoral est en grande partie assurée par les mangroves qui jouent des rôles écologiques et physiques vitaux. Cependant, les mangroves, forêts tropicales à l’interface des côtes urbanisées et du milieu marin, sont victimes de menaces : eaux usées et pluviales, macro-déchets, déboisement pour l’agriculture. Elles dépérissent, elle n’assument plus leurs fonctions et la protection du lagon contre l’envasement décline. Les intérêts que représentent les mangroves pour l’Homme sont également menacés : protection du littoral contre l’érosion et les inondations, production d’espèces à valeur économique (espèces pêchées) et protection de la biodiversité marine au potentiel touristique important.

Le Conservatoire national botanique (CBM) du Mascarin, CPIE dont le siège est situé sur l’île de la Réunion, identifie trois besoins majeurs sur le territoire :

  • la restauration de la mangrove, souvent détériorée par la proximité des populations.
  • une prise de conscience de la notion d’acte citoyen vis-à-vis de la préservation de l’environnement et des changements des comportements par l’adoption de gestes plus respectueux de l’environnement, notamment au niveau de la gestion individuelle des eaux usées et des déchets.
  • la nécessité de n’exclure aucun groupe social de cette implication, en particulier les populations en difficulté (personnes illettrées, jeunes délinquants, personnes en situation irrégulière).

Le projet

Sur le territoire mahorais (de Mayotte), plusieurs organismes publics et associatifs sont impliqués dans la problématique de préservation des mangroves et de sensibilisation de la population à la préservation de l’environnement : la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL, service déconcentré de l’Etat) et la direction du Développement Durable du Conseil Général de Mayotte ; l’agence Régionale de Santé ; la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale ; la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt ; le Conservatoire du Littoral, les associations villageoises. Ces dernières s’impliquent dans la réduction des déchets dans les espaces naturels à travers des actions ponctuelles de nettoyage et certaines d’entre elles sensibilisent le public aux éco-gestes. L’ensemble des actions des institutions et des associations sont en majorité de l’ordre de la mise en œuvre et du respect de la législation, de la gestion et de l’entretien de l’espace public ou de sensibilisation.

La DEAL (Direction de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement) de Mayotte a souhaité aller plus loin et lancer un programme public expérimental de plantation de palétuviers dans deux villages : Tsoundzou 1 (où la mangrove est proche d’une zone urbanisée) et Miréréni (où elle est plus éloignée du village mais fréquentée par les pêcheurs en pirogue). Or la réussite de cette expérimentation dépend, en grande partie, de l’adhésion et de la participation de la population. Très rapidement, il est apparu nécessaire  d’adjoindre à ce programme de plantations un volet de sensibilisation de la population des alentours. En janvier 2012, la DEAL a ainsi confié au CBM (Conservatoire Botanique du Mascarin, localisé sur l’île voisine de La Réunion) la mise en œuvre d’une démarche de concertation des citoyens et de sensibilisation des enfants et des jeunes.

Le CBM a donc conçu et initié le projet « Connaître la mangrove pour mieux la protéger », se traduisant par la mise en œuvre d’une démarche participative avec les adultes de Tsoundzou 1. L’objectif est de réfléchir ensemble à une meilleure gestion des déchets et à la conception de programmes de sensibilisation et d’outils pédagogiques pour les enfants de Tsoundzou 1 et de Miréréni.

L’action du CBM est complémentaire de celle des institutions publiques car elle met en relation les différentes orientations stratégiques des services de l’Etat et des collectivités. Au-delà d’une simple sensibilisation, elle s’appuie sur une démarche pédagogique et participative de restauration d’un milieu naturel. Un programme d’activités adapté aux populations de proximité de la mangrove doit permettre de :

  • changer leur perception de ce milieu, souvent perçu comme un dépotoir et non une source de biodiversité et de ressources naturelles ;
  • favoriser une prise de conscience des liens étroits qui existent entre les comportements quotidiens relatifs à la gestion des déchets et des eaux usées et la préservation de la mangrove ;
  • susciter la concertation et la participation à la mise en œuvre d’actions citoyennes pour préserver ce milieu tout en améliorant le cadre de vie des villageois.

Les projets d’EEDD (éducation à l’environnement et au développement durable) et les chantiers de restauration des milieux naturels sont des actions classiques qui ne sont pas toujours menées de façon concertée avec la population locale. Ce projet est innovant car un travail préalable de mobilisation et de dialogue avec la population adulte a d’abord été entrepris avant que les actions destinées aux scolaires ne débutent, afin de que le programme d’EEDD soit conçu avec la population locale.

Les actions à Tsoundzou 1

Les actions réalisées sont les suivantes :

1. Sensibilisation et implication de la population

Cette action s’organise en plusieurs étapes :

– Identification de personnes ressources et entretiens individuels pour la constitution d’un groupe de concertation composé de volontaires, à forte capacité de mobilisation ou influents dans le village. Ce groupe de travail, animé par le CBM, a contribué au projet d’implication de l’ensemble de la population. En tant que relais avec l’ensemble de la population, ces personnes ont permis de faire remonter des besoins et attentes de la population et de vérifier la faisabilité et les besoins d’adaptation des actions envisagées.

– Enquête de perception de la mangrove auprès de la population au moyen d’un questionnaire renseigné par 34 personnes (il y a environ 3400 habitants à Tsoundzou 1)

2. Ateliers de concertation

Quatre ateliers et une sortie de découverte de la mangrove ont été organisés en septembre et octobre 2012 avec le groupe de concertation précédemment constitué. Ces activités ont réuni entre une quinzaine et une quarantaine de personnes, la plupart d’entre elles étant mobilisées par des associations locales. Lors des ateliers, la problématique de préservation de la mangrove a été présentée par le CBM et un travail de brainstorming a permis de faire émerger des idées, certaines d’entre elles concernant la préservation de la mangrove (replanter des palétuviers, nettoyer la mangrove des déchets, organiser une fête de la mangrove, éduquer les jeunes à sa protection, tourner un film de sensibilisation, etc.) d’autres dépassant ce cadre (fleurir le village, aménager un parcours sportif ou un espace de détente, mieux gérer les déchets…). Les propositions ont ensuite été hiérarchisées en fonction des préférences des participants, de leur faisabilité et de la réponse qu’elles apportaient à la problématique de préservation de la mangrove. Cinq actions ont ainsi été retenues.

3. Mise en oeuvre

Plusieurs actions ont été mises en place :

– création de livrets pédagogiques sur la mangrove pour les enfants des écoles, activités de découverte de la mangrove avec les enfants ;

– nettoyage de la mangrove (30 à 40 personnes mobilisées) et premier chantier de plantation (une soixantaine de personnes) avec la participation d’un pépinière pour la fourniture des plants ;

– second nettoyage et chantier de plantation de palétuviers par les enfants des écoles (plus de 700 enfants participants).

En 2012, les élus de Mamoudzou ont remis la palme IFRECOR (Initiative Française sur les Récifs Coralliens) aux associations du village en récompense de leur implication dans le projet.

Les actions à Miréréni

Dans ce village, la mangrove est plus éloignée des habitations et moins dégradée par les habitants, les effluents ou les déchets, mais elle l’est par les pêcheurs.

Concertation avec les pêcheurs

Un dialogue avec les pêcheurs a contribué à mieux faire comprendre les enjeux de la préservation de la mangrove. Les pêcheurs ont accepté de ne plus utiliser autant d’espace qu’a l’accoutumé pour permettre l’implantation des palétuviers mais ont proposé de modifier l’emplacement des plantations prévu initialement pour favoriser la réussite des plantations tout en leur permettant de poursuivre leur activité grâce à un espace réservé au passage de leurs pirogues. Ce compromis a été accepté par la DEAL.

Mobilisation des jeunes et des enfants

L’association jeunesse culture de Miréréni, soutenue par la commune de Chirongui auquel appartient le village de Miréréni, a réuni 20 jeunes du village, d’abord pour qu’ils découvrent la mangrove avec le CBM, puis pour un chantier de plantation de palétuviers (une cinquantaine de participants).

Les pêcheurs n’ont pas participé aux plantations mais certains sont venus en observateurs. Il n’y a pas eu de dégradation.

Afin de diffuser les enseignements du projet, le CBM a décidé de produire un  guide de restauration de la mangrove, en plus des kits pédagogiques destinés aux enfants.

Fiche mise à jour en 2019 à partir d’informations fournies par Le CBM et par Monique Paternoster.

 

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2012
  • Département concerné :
    976

Structure

  • Conservatoire botanique national et CPIE de Mascarin
  • 2 rue du Père Georges - Les Colimaçons
  • 97436 SAINT LEU
  •  
  • 0262 24 27 25