
Réouvertures paysagères dans les Pyrénées
Concertations locales pour des réouvertures paysagères autour de villages de montagne dans le Parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises
Du fait de la déprise agricole, la forêt a beaucoup progressé dans certaines communes du parc naturel régional (PNR) des Pyrénées Ariégeoises, enfermant les villages. Afin d’améliorer le cadre de vie des habitants, et à la demande de ces derniers, des solutions sont recherchées pour couper les arbres, débroussailler et faire pâturer des surfaces de 2 à 7 hectares autour des villages. Cela suppose une concertation entre collectivités, propriétaires, éleveurs, forestiers et habitants.
Enjeu et origine du projet
Le territoire du PNR des Pyrénées Ariégeoises est caractérisé par une importante couverture forestière (plus de 50% du territoire, 80 % localement ). La surface forestière a plus que doublé en l’espace d’un siècle et s’est accélérée depuis une cinquantaine d’année du fait de la déprise agricole. Aujourd’hui, la forêt enserre certains villages et le cadre de vie des habitants se détériore. La proximité des arbres ferme la vue, fait disparaitre les éléments paysagers emblématiques (cols, sommets) et le petit patrimoine bâti (murets, chapelles). La végétation apporte également de l’ombre et de l’humidité, et augmente le risque incendie.
A la demande de certains habitants, 10 communes se sont engagées dans des projets de réouverture du paysage pour une surface totale de 30 ha, à raison de 2 à 7 ha pour chaque village. Les espaces concernés par ces projets sont caractérisés par un foncier compliqué : très petites parcelles (600m ² en moyenne), beaucoup de propriétaires privés et nombreuses indivisions. Les propriétaires ne sont souvent plus en mesure d’entretenir leurs terrains, soit parce qu’ils sont loin, soit parce qu’ils n’en ont plus la capacité physique, soit encore parce qu’ils ignorent où se situent leurs parcelles car rien n’est borné. Pour tenter de trouver une solution, les élus ont sollicité le Parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises.
Des actions pilotes ont montré qu’il était possible d’abattre certains arbres pour créer des sortes de clairières autour des villages, avec l’accord des propriétaires et des habitants, puis de débarder le bois avec la participation de forestiers, enfin de maintenir les espaces ouverts Grâce à des éleveurs qui y font pâturer leurs troupeaux. Le premier objectif du PNR est donc d’arriver à rassembler l’ensemble de ces acteurs autour d’un projet défini collectivement. Un important travail de contacts individuels a été entrepris dans ce sens par la chargée de mission du PNR.
Implication des parties prenantes
Les conseils municipaux participent aux diagnostics et à l’animation des réunions ; ils font le relais des informations auprès des habitants et des professionnels locaux et relancent les propriétaires.
Les éleveurs locaux sont sollicités pour faire pâturer les secteurs réouverts, idéalement en amont car sans eux le projet ne peut aboutir. Les éleveurs de moutons et de chèvres sont contactés en priorité (moins de dégâts des animaux sur les terrains) et sont étroitement associés à la réalisation du plan de pâturage. Ils sont accompagnés dans cette démarche, avec des échanges sur la temporalité d’accès aux parcelles suite au défrichement, le suivi de l’évolution de la végétalisation des parcelles…
Les habitants et les propriétaires décident de l’orientation des projets. Ils sont pour cela conviés aux réunions publiques et sont également invités à s’exprimer par écrit.
Le travail avec les propriétaires peut se faire de façon différente en fonction des situations. Parfois des visites de terrain en groupes restreint sont organisées, ou, avec ceux qui s’interrogent beaucoup, en individuel. Il s’agit alors de partir de leur parcelle et leur expliquer comment le chantier va se dérouler.
Les habitants sont mobilisés lors de WE grands publics afin de mêler les regards sur le projet. Des animations ludiques sont alors réalisées pour appréhender de façon différente le rapport au paysage.
Les exploitants forestiers sont consultés pour réaliser les chantiers. Des réunions de travail sont organisées avec eux afin de définir la faisabilité des chantiers avant présentation en réunion publique.
Le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole Ariège-Comminges (CFPPA) réalise des chantiers-école sur certaines communes.
La démarche
Une première réunion de lancement permet de présenter les enjeux de la réouverture paysagère, sans encore aborder la question du périmètre. Des diagnostics de terrain (paysager et foncier, technique, pastoral et environnemental) servent de base objective aux discussions en réunion publique. Ils sont complétés par une base de données des propriétaires et un SIG.
Par la suite est réalisé un cahier de note : en petit groupe, les sites importants de la commune à proposer pour une réouverture sont identifiés, en indiquant le site mais aussi la raison de l’importance de la réouverture à cet endroit (vue, ombre…). C’est sur une synthèse de ces différentes approches que la commune démarre le projet concret.
Trois réunions successives sont généralement organisées avant d’aboutir à un projet : il faut d’abord se mettre d’accord sur les principes, dessiner une carte en fonction des propriétaires et des habitations, discuter des solutions techniques d’abattage et de nettoyage des parcelles, discuter des orientations du plan de pâturage.
Lorsque le périmètre de réouverture est défini, les propriétaires sont contactés, afin de leur demander leur accord pour couper les arbres. Afin de savoir, sur chaque zone, quel type de travaux conduire, des réflexions techniques ont lieu avec les entreprises et les éleveurs. Lorsque ces points techniques sont précisés (coût, type de chantier), les propriétaires et habitants sont convoqués en réunion publique. Les propriétaires peuvent alors émettre un avis sur les types de travaux, puis ils transmettent mandat à la mairie pour la réalisation. Lorsque l’ensemble des mandats sont revenus, un nouveau point cartographique est fait pour identifier les zones ou les réouvertures seront faites.
Et aujourd’hui…
Ce travail est actuellement (2018) réalisé auprès de 20 communes, dont 12 sur lesquelles des chantiers ont démarré.
Cette approche de réouverture de milieux et de restauration écologique (en lien avec les trames vertes et bleues) évolue actuellement vers une envie d’aborder les projets de façon plus globale et territoriale. Il s’agit alors de lier els projets entre eux, de dépasser l’échelle communale pour aller vers plus de cohérence territoriale.