Médiation entre la loutre et les poissons

Concertation pour concilier la préservation de la Loutre d'Europe avec la production piscicole

La Loutre d’Europe, ce petit animal sympathique dont les facéties enchantent les enfants, ne fait pas rire les pisciculteurs. C’est un prédateur, autrefois menacé, qui voit ses effectifs s’accroître naturellement du fait de la protection règlementaire dont il fait l’objet et de l’amélioration de la qualité de certains cours d’eau. Son territoire s’étend et ses incursions dans les bassins d’élevage de poissons se font plus fréquentes, ce qui suscite de vives réactions de la part des professionnels. La Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) souhaite résoudre les problèmes de cohabitation car elle craint que l’exaspération des pisciculteurs ne donne lieu à des réactions qui nuisent à la préservation de l’espèce. Elle fait appel pour cela à un médiateur.

Amoureux de la nature, Stéphane Raimond s’est installé comme pisciculteur en Corrèze… et a passé des nuits blanches à tenter de protéger son élevage de truites. Peu à peu, il a appris à connaître les voraces noctambules. Après un changement professionnel, il est sollicité par la SFEPM pour intervenir auprès de ses anciens collègues. Il sait les écouter et trouver les mots justes. Il connait aussi la biologie de la loutre et ses habitudes. « Je fais le pont entre les pisciculteurs et ceux qu’ils appellent les écolos », dit-il. Il a un pied dans les deux mondes : il est de ceux que l’on nomme « les médiateurs passerelles ».

Prévenir plutôt que sévir

Au début, les pisciculteurs rechignent à signaler les déboires dont ils sont victimes car ils craignent d’être mis sous surveillance. Stéphane Raimond les rassure. « Je ne suis pas là pour faire la morale ou la police de l’environnement. On doit se mettre dans une démarche de recherche de solutions ». Il conseille d’anticiper ou au moins de réagir au plus vite, dès que la présence de la loutre est détectée car une fois qu’elle aura ses habitudes, il sera difficile de la dissuader. Il recommande les grilles, clôtures et autres moyens de protection, qui doivent s’adapter aux méthodes d’élevage et aux possibilités des pisciculteurs. Pour cela, il dialogue avec eux pour faire en sorte que les aménagements soient efficaces et ne compliquent pas leurs tâches quotidiennes. Peu à peu, le bouche-à-oreille fonctionne : les professionnels font appel à lui et une vingtaine d’élevage reçoivent ses visites. Lorsque des aménagements sont installés, les pisciculteurs respirent. « Certains ne s’en sortaient plus d’un point de vue économique, note le médiateur, ils ont pu se tirer d’affaire ». Paradoxalement, la loutre respire aussi. Car lorsqu’elle n’est plus considérée comme un danger, elle redevient un animal attachant. « Je me souviens d’un pisciculteur, raconte Stéphane Raimond, qui, une fois que la prédation a disparu, a commencé à s’intéresser à la biologie de la loutre mais aussi à d’autres prédateurs comme le Martin pêcheur ou le Cincle plongeur ». C’est un changement de point de vue : quand on sait qu’un phénomène est maîtrisable, on cesse d’en avoir peur.

Mobiliser les institutions

Les pisciculteurs ont tout à gagner à être proactifs. En se protégeant de la loutre, ils améliorent le fonctionnement de leur élevage et y apportent une plus-value. Il faut cependant que les coûts soient limités, que des financements soient mobilisés et que les professionnels de la filière jouent le jeu. Pour cela, la SFEPM engage un dialogue avec la profession piscicole, d’autres associations de protection de la nature et les administrations dans le cadre d’un Plan national d’action, mené de 2010 à 2015. Les organismes professionnels relaient l’initiative, des écoles d’aquaculture intègrent cette dimension et équipent leurs fermes de démonstration.

Pour l’association, c’est un succès. Aujourd’hui, les mesures de protection doivent encore se diffuser et leur coût reste une limite, mais la loutre continue de se développer et les pisciculteurs la regardent déjà autrement.

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2014
  • Département concerné :
    18

Structure

  • Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères
  • c/o Muséum d'Histoire Naturelle
  • 18000 Bourges
  •  
  • 02 48 70 40 03

A propos de cette fiche