Affronter les désaccords de façon constructive
Médiation et négociation ont un but en commun : trouver un accord entre des participants qui n’ont pas les mêmes intérêts ou les mêmes visions des choses, grâce au dialogue entre les parties concernées, soit avec l’aide d’un tiers extérieur et neutre (médiation) soit sans lui (négociation).
Les désaccords sont fréquents dans les processus de concertation. Le plus souvent, les échanges se font sur le mode de l’argumentation : chacun cherche à convaincre l’autre, par exemple en évoquant des principes supérieurs, en apportant des données, en élaborant des démonstrations… Avoir recours à la médiation ou à la négociation suppose :
- de renoncer à imposer son point de vue ou essayer de faire changer l’autre
- de l’écouter avec attention pour le comprendre ; en échange tenter de bien se faire comprendre
- de respecter autant que possible ses attentes ; en échange demander à ce que toutes les attentes soient respectées dans la même mesure
- de rechercher ensemble une solution mutuellement satisfaisante.
En parlant de négociation, nous nous référons ici à la négociation raisonnée (ou négociation intégrative), dont le but est de déboucher sur des accords justes et équilibrés du point de vue des parties impliquées. De ce point de vue, la négociation n’est pas un marchandage ni un moyen de tromper l’autre ! Voir ci-contre « Pour aller plus loin »
Les principes
1. Dans un désaccord, il y a un problème et des personnes
Un désaccord, c’est à la fois un problème (par exemple, des intérêts apparemment incompatibles, comme on le voit dans les conflits d’usage) et des personnes qui ne souhaitent pas toujours coopérer, voire même dont chacune considère que c’est l’autre qui constitue le problème… Le premier principe consiste donc, dans une démarche de médiation ou de négociation, à commencer par s’apprivoiser, se (re)connaître et se respecter, avant de s’attaquer à la résolution du problème. Pour cela, on peut par exemple développer des activités préalables : co-construire un diagnostic du problème sans se préoccuper dans un premier temps de savoir qui a raison et qui a tort, se former ensemble, etc… Sans oublier de prendre le temps de s’écouter et de se respecter. Il faut d’abord bien étudier le problème, comprendre les personnes sans a priori et sans jugement, ne pas chercher trop vite des solutions. Dans les conflits à forte charge émotionnelle, cette phase peut prendre du temps et le recours à un médiateur peut être utile.
2. Distinguer les revendications et les besoins
Les revendications (je veux ceci, je ne veux pas cela..) cachent en général des besoins plus profonds, qui sont de l’ordre de l’intérêt (développer son activité, préserver son patrimoine, garder des marges de liberté…), de la crainte (des contraintes futures, un processus qu’on ne maîtrisera pas, un risque professionnel…) ou encore des valeurs (une certaine vision du territoire, l’idée que seuls certains acteurs sont légitimes à en décider l’avenir…). Ces intérêts, craintes et valeurs ne sont pas toujours exprimées spontanément et lorsque c’est le cas, parfois disqualifiées. Elles peuvent être vues par exemple comme des intérêts personnels, des peurs infondées, des idées contestables. Or, c’est l’expression de ces besoins qui mettra sur la piste de possibles accords pour une raison simple : même lorsque des revendications sont apparemment incompatibles, les besoins qui les sous-tendent ne le sont pas nécessairement. Il faut donc permettre à chacun d’exprimer ses besoins, ce qui suppose de créer un cadre de (relative) confiance par l’écoute et le respect. L’étape suivante consiste à rechercher ensemble comment rendre compatible la satisfaction de ces besoins en procédant pour cela en deux temps : accueillir d’abord toutes les idées possibles (phase de brainstorming), puis les sélectionner en fonction de leur acceptabilité et de leur faisabilité (phase de sélection).
3. Etre exigeant envers le problème, bienveillant envers les personnes
Dans un tel processus, pas question de lâcher trop vite pour céder à la pression des plus virulents, ni d’écarter ces derniers pour faciliter la recherche d’un consensus entre ceux qui sont les plus conciliants. Pas question non plus d’éviter « les sujets qui fâchent » et de tenter de nier les désaccords. La démarche doit rester exigeante (traiter les problèmes sur le fond, trouver une sortie par le haut) et inclusive (n’écarter personne). Cela n’empêche pas de faire preuve de respect envers chacun, de veiller à bien comprendre sans juger, de manifester de l’empathie, d’être clair sur ses propres besoins. Peu à peu se crée une ambiance dans laquelle les participants apprennent à traiter leurs désaccords sans les personnaliser, dialoguent sans s’interrompre, s’engagent dans une rémarche de recherche de solutions en comptant sur les autres plutôt qu’en s’opposant à eux.
Médiation ou négociation dans les processus de concertation
Les principes de la médiation ou de la négociation raisonnée peuvent s’insérer dans la plupart des processus de concertation. Cela est particulièrement justifié dans les cas où l’enjeu est conflictuel. Par exemple, l’animateur peut prévoir dans son dispositif de dialogue :
– avant toute réunion, des entretiens individuels systématiques avec les principaux acteurs impliqués, permettant de cerner les enjeux, de commencer à connaître leurs besoins, d’identifier les conditions du dialogue acceptables pour eux ;
– lorsque le conflit a déjà éclaté et laissé des traces, une phase initiale de « vidage de sac », familière aux médiateurs, qui est parfois salvatrice mais qui doit être préparée (par des entretiens bilatéraux) et qui doit être suivie de debriefings individuels ou collectifs ;
– un séquençage des réunions autour des étapes suivantes : exposé des revendications (points de vue initiaux) de chacun, approfondissement du diagnostic si nécessaire (collecte de données, visites, mobilisation d’experts…) et objectivation de la situation, identification des points d’accord et de désaccord, exposé des besoins, recherche de solutions, sélection et choix des actions à mettre en oeuvre.
– un travail sur ses propres compétences : neutralité, capacité à gérer les situations difficiles…