Les citoyens attendent de la concertation qu’elle influe effectivement sur les décisions publiques

Entretien avec Etienne Ballan

Quel est le contexte actuel de la concertation environnementale?

Le plus marquant au cours des années 2010 est le retour de la conflictualité environnementale. On constate également une forte contestation des dispositifs de concertation, non pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils produisent. Le lien entre concertation et décision est très insuffisant aux yeux d’une part importante de la population.

Pourquoi ce retour des conflits ? Une de mes hypothèses est la suivante : les pratiques d’éducation à l’environnement mises en œuvre depuis 20 ans ont accru la sensibilité des jeunes générations envers l’environnement alors que le monde des décideurs n’a pas évolué de la même façon et que les objectifs économiques restent prioritaires dans de nombreux choix d’investissement. Du coup, les attentes ne se concrétisent pas et les oppositions se radicalisent. Il y a donc un effet générationnel. Les jeunes sont animés d’un idéal en matière d’environnement, validé par la société et reconnu pertinent par les médias et par l’actualité. Parallèlement à cela, l’idéal démocratique a également progressé dans la société, en France comme dans les pays arabes ou dans de nombreux autres pays, alors que les pratiques démocratiques ont peu progressé et que les modes de prise de décision n’ont sensiblement pas bougé.

Il me semble évident qu’il existe une forte demande sociale de participation. La concertation est voulue par la population, les citoyens sont très concernés par tout ce qui touche à leur cadre de vie et souhaitent donner leur avis et contribuer aux choix qui sont effectués.

Malgré cela, les élus locaux maintiennent des comportements qui ont été forgés durant une période faste, l’Etat peine à évoluer, la crise bouscule les rapports de force et questionne les aspirations démocratiques. Le recours au référendum est le réflexe des politiques pour suppléer aux carences de la participation. En conclusion, le contexte est assez incertain.

Les pratiques de concertation ont-elle évolué significativement ?

Oui, au cours des dernières années, on a assisté à d’importants efforts de consolidation procédurale et méthodologique de la concertation. C’est le cas par exemple de la procédure du débat public. Cependant, ces efforts sont contredits par :

  • L’accueil plutôt tiède qu’en fait la population, qui juge principalement la concertation à ses résultats sur la décision publique et non pas (ou pas seulement) à la qualité de son processus de mise en œuvre ;
  • La demande d’innovation méthodologique, principalement demandée par les élus locaux pour se distinguer et construire leur image, ou par les services des collectivités pour attirer de nouveaux publics ; il est difficile à la fois d’innover en permanence et de consolider les acquis.
  • Des réticences qui tiennent à la crainte de stabiliser, de standardiser, de figer, voire de bureaucratiser la concertation.

Or, il est nécessaire de stabiliser des pratiques ou au moins des principes méthodologiques.

Pour le citoyen, la contribution effective de la participation à la décision publique est une question de crédibilité. Certes, faire la preuve que des acteurs locaux bien intentionnés et guidés par de bonnes méthodes sont capables de bien gérer l’environnement est une chose importante. Mais l’enjeu de la concertation ne s’arrête pas là : il s’agit d’une question démocratique, du vivre ensemble.

Les associations de protection de la nature sont réticentes envers la diffusion des pratiques de concertation car elles craignent que les objectifs environnementaux ne se diluent dans la concertation, notamment face à d’autres enjeux comme l’enjeu démocratique.

Quels sont les enjeux pour l’avenir ?

Aujourd’hui, il y a plusieurs questions qui constituent des enjeux pour la concertation.

  • L’inclusion des simples citoyens, c’est-à-dire le fait d’aller au-delà de la participation des parties prenantes
  • Le changement de mode de décision publique. Les pratiques innovantes de demain sont celles qui apportent des réponses à la question du partage du pouvoir. C’est cette dimension qui doit, à mon avis, être mise en avant.
  • Diffuser, généraliser. Comment ? Avoir une collection d’exemples est utile mais après ?

 

Propos recueillis en 2016 par Pierre-Yves Guihéneuf

Quelques informations

  • Type de fiche : Entretien

L'auteur

  • Etienne Ballan, sociologue, est consultant et membre de l’association Arènes.