Acceptabilité sociale des projets agricoles

Co-construction d’une stratégie en faveur de l’acceptabilité sociétale de projets portés par des agriculteurs

Tout a commencé par un projet de méthanisation et par l’opposition qu’il a suscitée de la part de la population locale. Dans le territoire de l’Intercom du Bassin de Villedieu, en grande partie classé en zone vulnérable nitrate, les exploitations agricoles doivent faire face à la gestion de leurs effluents d’élevage et souhaitent valoriser au maximum les déjections animales. Un projet de méthanisation collective a été lancé au début des années 2010 afin de diminuer l’utilisation d’engrais de synthèse et d’apporter un complément de revenu aux exploitations agricoles par la vente du gaz. Cependant, cette unité de méthanisation, imaginée par l’association d’agriculteurs Percy Biogaz, a généré des craintes de la part des habitants.

Un comité consultatif a d’abord été mis en place par la municipalité de Percy pour apporter des réponses aux questions de la population. Toutefois, l’opposition manifestée envers le projet a semblé profonde aux agriculteurs qui ont souhaité qu’un travail plus global soit mené avec le plus grand nombre d’acteurs du territoire sur l’acceptabilité sociétale des installations et des projets agricoles en général. Cette dynamique, portée par des agriculteurs, a été animée par la chambre d’agriculture de la Manche, en partenariat avec la communauté de communes de Villedieu Intercom et le Comité régional de développement agricole de la Manche.

La démarche de concertation s’est étalée de 2016 à 2019 autour de quatre phases principales.

  1. Le partage de la question (2016-2017)

Cette phase a duré environ 6 mois et a consisté à partager la question par un groupe multi-acteurs, sur la base des constats et des analyses faits par chacun.

Une trentaine de personnes concernées ont été invitées à se réunir à trois occasions. Elles appartenaient à des organismes (Conseil départemental, Syndicat intercommunal, Chambre d’agriculture, syndicats agricoles, organisations d’agriculteurs comme les CUMA et les GVA, Mutualité sociale agricole, entreprises du secteur agroalimentaire, association de parents d’élèves, associations environnementalistes comme GRAPE et Manche Nature) ainsi que des individus à titre personnel (agriculteurs, architecte, habitant…).

Au terme de cette phase, une question a été posée : quelle place pour les projets agricoles sur le territoire ? Une méthode a été utilisée (la démarche prospective AVEC®), qui a permis de co-construire une base de travail commune sans nécessairement discuter de tout ni chercher systématiquement à être d’accord sur tout. « On prend tout ce qui vient des participants et on construit avec » résume l’animatrice.

Au terme de cette phase, sept types de projets ont été distingués, notamment en fonction de leur degré d’acceptabilité par la population. Parmi eux, le groupe identifie :

  • les projets « peu en lien avec une gestion durable des biens communs » ou encore les projets économiquement très incertains, qu’il décide de ne pas soutenir (pour eux, la démarche s’arrête là) ;
  • trois catégories de projets bien acceptés (les projets de conversion à l’agriculture bio, la commercialisation de proximité, les projets qui valorisent les paysages ou la biodiversité)
  • deux catégories de projets mal acceptés : les projets agricoles énergie (incluant par exemple les projets de méthanisation) et les projets agricoles et alimentaire conventionnels (incluant par exemple les extensions de bâtiments ou la création d’ateliers hors-sol).

La démarche se poursuit pour ces deux dernières catégories de projets.

  1. Ouverture à la société (2018)

Cette phase vise à faire partager les constats de la phase précédente et à rechercher des solutions. Elle a consisté en :

  • Une soirée théâtre à la ferme, qui a réunit environ 150 personnes. L’objectif était de Rapprocher les agriculteurs et les habitants lors d’u moment convivial ouvert à tous, au sein d’une ferme. Des saynètes ont permis d’engager un débat autour des projets agricoles.
  • Des réunions par « familles d’acteurs » : agriculteurs, élus locaux et société civile. Ces ateliers ont permis de faire émerger des idées pour faciliter l’intégration des projets agricoles dans les territoires, en particulier des deux catégories de projets moins bien acceptés.
  1. Rédaction d’un guide (2018)

Suite aux recommandations faites par les différents groupes d’acteurs, un guide de recommandations a été rédigé par des groupes de travail spécialement créés pour cela et appuyés par une consultante extérieure spécialisée dans l’acceptabilité des projets.  Des agriculteurs de Moselle, porteurs d’un projet de méthanisation, sont venus partager leur expérience.

 

Le guide vise à faire réfléchir les habitants et les élus sur les contraintes des agriculteurs et la logique de leurs projets, et à faire réfléchir ces derniers ainsi que les conseillers agricoles à l’insertion des projets dans le territoire en fonction des attentes et des sensibilités de la population.

  1. Pistes d’action (2018-2019)

Cette dernière phase vise à poursuivre et concrétiser la démarche au tavers de trois types d’actions :

  • des actions territorialisées, au cas par cas, autour de projets particuliers. Il s’agit d’engager un dialogue avec la population grâce à la mise en place de petits groupes d’échange entre acteurs concernés ;
  • des actions de vulgarisation du guide, afin de diffuser ses principes dans un cercle plus large que celui des initiateurs de la démarche, qu’il s’agisse d’agriculteurs, de techniciens agricoles, d’élus ou d’habitants.
  • des actions d’appui aux porteurs de projet en difficulté, avec l’appui de la Mutualité sociale agricoles, visant à rompre leur isolement, prévenir les suicides et développer les formations.

Eléments de bilan

Il est encore tôt (début 2019, au moment où est actualisée cette fiche) pour tirer des enseignements sur la portée de la démarche en matière d’acceptation des projets agricoles. Mais elle a déjà permis d’engager un dialogue à l’échelle du département sur cette problématique, en mettant en avant les besoins des porteurs de projets et ceux de la population, et le nécessaire croisement entre leurs aspirations. Elle a permis d’intégrer les opposants d’une manière différente qu’en se confrontant aux projets. Cette démarche participative leur a permis au contraire de se positionner en acteurs et co-rédacteurs des futurs possibles des territoires et de l’agriculture. Reste maintenant à appliquer ces principes dans des démarches locales concrètes.

 

Fiche mise à jour en 2019 à partir d’informations fournies par Perrine Buchart, Chambre d’Agriculture de la Manche

Quelques informations

  • Type de fiche : Expérience
  • Année de début d'expérience :
    2015
  • Département concerné :
    50

Structure

  • Chambre d’agriculture de la Manche
  • Avenue de Paris
  • 50000 Saint Lô
  •  
  • Personne contact: Perrine BUCHART
  • 02 33 06 48 4802.33.06.45.21